Ce n'est certainement pas de gaieté de cœur que Washington encourage le rapprochement qui se dessine entre Bagdad et Téhéran. La normalisation entre ces ennemis d'hier se comprend mieux sous le prisme des informations distillées au compte-gouttes dans la capitale américaine à propos d'un décrochage de l'Irak. La facture de l'occupation ne finissant de s'alourdir, Bush envisagerait un retrait de ses troupes mais, auparavant, il lui faudrait des assurances. Les contacts avec la guérilla islamiste n'ont jamais été démentis, et il s'est même trouvé des responsables américains pour affirmer que c'est pour établir un dialogue avec les autorités irakiennes ! Pour promouvoir la stabilité en Irak, il ne fait pas de doute qu'il faille également normalisé ses relations avec ses voisins. Or, à ce niveau, ce n'est pas aussi évident que cela puisse paraître. Au nord, la Turquie reste très inquiète par l'évolution en cours dans les zones kurdes. À commencer par la sienne où le Pkk a rompu la trêve, accusant le gouvernement islamiste d'Erdogan de rejeter les ouvertures qu'il avait promises. Les actions terroristes ont repris, visant en priorité la manne du pays : le tourisme. À la frontière syrienne, c'est le black-out. Washington jure que c'est par là que transitent les poseurs de bombes de Zarqaoui mais sans apporter la moindre preuve. Il est tout de même à remarquer que la vindicte américaine contre Damas a considérablement baissé ces derniers temps. Par contre, avec l'Iran s'est engagé une véritable course pour établir des relations fraternelles. Le Premier ministre irakien Jaafari est à Téhéran pour une visite qualifiée d'historique. Le problème est que l'Iran a choisi comme successeur au réformateur Khatami, Ahmadinajed, le maire de Téhéran, un proche des bassidji, ces miliciens en charge de la vertu islamiste, qui se revendique comme l'héritier de Khomeyni. Jaafari est le premier chef de gouvernement irakien à se rendre en Iran depuis la chute de Saddam Hussein. L'Iran et l'Irak se sont livré de 1980 à 1988 une guerre qui aurait fait environ un million de morts. Le rapprochement inquiète d'autant plus les pays arabes de la région que le pouvoir à Bagdad est pratiquement entre les mains de la majorité chiite pour qui l'Iran est un modèle. Jaafari, à la tête d'une délégation d'une dizaine de ministres, doit renforcer avec ses voisins la coopération politique, économique et même sécuritaire. Sans l'aval de Bush, rien de cela ne peut se passer. D. Bouatta