Les 55 000 enseignants contractuels du pays manifestent régulièrement depuis des mois pour réclamer le statut de fonctionnaires, dénonçant la politique de "recrutement par contrat" (CDD) en vigueur depuis 2016. La marche des enseignants contractuels marocains, dans la nuit de samedi à hier, a été sauvagement réprimée par les forces de sécurité à Rabat, constate-t-on sur les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. La manifestation nocturne s'était transformée en un rassemblement devant le siège du Parlement, mais la police est intervenue pour disperser des milliers d'enseignants venus à Rabat pour dénoncer la précarité de leur statut et la politique de recrutement du ministère de tutelle. Les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent de jeunes enseignants le visage ensanglanté par des tirs aux gaz lacrymogènes. La police a usé aussi des canons à eau pour empêcher le rassemblement nocturne devant le Parlement. L'appel à manifester avait été lancé par cinq centrales syndicales, en plus de la Coordination nationale des enseignants contractuels. La marche devait avoir lieu samedi à partir de 17h en direction du ministère de l'Education nationale, de la Formation professionnelle, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, selon la presse locale. Mais à la tombée de la nuit, l'intervention musclée de la police a provoqué le chaos au milieu des enseignants, blessant des dizaines de manifestants, selon le journal Al-Youm 24, qui a fait un récit chaotique de la course-poursuite engagée par la police contre les manifestants dans les rues de plusieurs quartiers de Rabat. Des sources médicales parlent de dizaines de manifestants qui ont été sévèrement touchés. Les images relayées sur les réseaux sociaux montrent des tabliers en sang. Des enseignants ont eu le bras cassé, et des blessures au visage. Mais cette répression n'a pas découragé les manifestants qui sont revenus à la charge durant la journée d'hier au centre de Rabat, en organisant une marche en direction du Parlement qui s'est déroulée dans le calme. Selon le décompte de plusieurs sources, le rassemblement de samedi soir a réuni plus de 30 000 enseignants et syndicalistes, qui organisent depuis des semaines des actions similaires devant les directions régionales de l'éducation. Leur nombre est estimé à plus de 55 000 enseignants. Les manifestants, hommes et femmes de 20 à 30 ans, parfois en blouses blanches, ont défilé avec des slogans comme "Le peuple veut l'abolition de la contractualisation" ou "Liberté, dignité, justice sociale". Les contractuels ont entamé une grève depuis le 3 mars et avaient déjà, il y a quinze jours, campé devant les académies régionales dans différentes villes. Ces enseignants ont les mêmes salaires que les permanents -5000 dirhams par mois, soit environ 460 euros- mais se plaignent de ne pas jouir des mêmes droits, notamment pour la retraite. Selon les médias, des propositions du gouvernement, notamment de les intégrer dans les académies régionales ont été jugées insuffisantes au fil des semaines. La date du 23 mars a été choisie en référence à la grande manifestation étudiante du 23 mars 1965, qui s'était terminée par un bain de sang à Casablanca et avait débouché sur l'état d'exception pendant les "années de plomb". Le 20 février, une des manifestations des contractuels coïncidant avec la date anniversaire du mouvement pro-démocratie du 20-Février, né en 2011 durant le "Printemps arabe", avait été dispersée à Rabat par la police, faisant plusieurs blessés.