La mise en détention provisoire de l'homme d'affaires a été décidée par le juge instructeur près le tribunal de Bir Mourad-Raïs qui l'a entendu avant-hier jusque tard dans la nuit. Le patron de l'ETRHB et ancien président du Forum des chefs d'entreprise, Ali Haddad, a été placé, hier matin, sous mandat de dépôt par le juge d'instruction du tribunal de Bir Mourad-Raïs, à Alger. On reproche au patron de l'ETRHB de posséder un deuxième passeport algérien. Un passeport que la daïra de Bir Mourad-Raïs lui a délivré avec l'autorisation des pouvoirs publics. L'homme d'affaires a été transféré à la prison d'El-Harrach, après avoir été entendu par le juge d'instruction. Pour rappel l'ancien président du Forum des chefs d'entreprise a été arrêté, dimanche dernier à 3 heures du matin, au poste frontalier d'Oum Tboul, alors qu'il tentait de se rendre en Tunisie, en possession de 4 500 euros et de 100 dollars américains ainsi que d'une somme de 410 000 dinars algériens, qu'il n'avait pas déclarés aux douaniers. Mais, semble-t-il, l'infraction à la réglementation des changes n'a pas été retenue contre lui. La chute du patron des patrons — encore très puissant il y a quelques mois — illustre le retournement de situation depuis le début du mouvement populaire qui a conduit à la démission du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika. L'influence d'Ali Haddad provient, essentiellement, de sa proximité réelle et supposée avec Saïd Bouteflika, qui a encouragé un certain capitalisme de connivence. Depuis 2014, lorsque le patron de l'ETRHB a participé au financement de la campagne d'Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat, son influence n'a cessé d'augmenter. Pour certains analystes, la décision de Bouteflika de limoger l'ancien Premier ministre Abdelmadjid Tebboune "en août 2017 — peu de temps après que ce dernier eut directement pris pour cible l'empire de la construction de Haddad — a montré que le pouvoir de Haddad surpassait désormais celui du chef du gouvernement". D'aucuns se demandaient alors si les forces de l'argent, qui ont connu une ascension à la faveur du quatrième mandat, n'ont pas réussi à s'emparer des leviers du pouvoir devant un Président absent. La chute aujourd'hui du patron des patrons est un autre signe du délitement du régime rentier et clientéliste. Le sentiment de sa décomposition s'est renforcé avec l'annonce par le parquet général près la cour d'Alger de la mise en œuvre des enquêtes préliminaires pour des faits de corruption et de transfert illicite de capitaux vers l'étranger. "Conformément à l'article 11 alinéa 3 du code de procédure pénale, le parquet général près la cour d'Alger porte à la connaissance de l'opinion publique que des enquêtes préliminaires sont mises en œuvre pour des faits de corruption et de transfert illicite de capitaux vers l'étranger", avait annoncé le parquet général. Pour la nécessité des enquêtes, le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed a procédé à l'application des dispositions de l'article 36 bis-1 du code de procédure pénale et a pris des mesures conservatoires en ordonnant l'interdiction de sortie du territoire national à certaines personnes. Plusieurs chefs d'entreprise, dont Ali Haddad, sont concernés. Le ministère de la Défense nationale a évoqué "une poignée de personnes qui a, indûment, accaparé les richesses du peuple algérien". M. R.