Jugeant le délai très court, la majeure partie des dirigeants de l'opposition égyptienne critique la décision de Hosni Moubarak de programmer le scrutin présidentiel à une date aussi rapprochée. La première élection présidentielle au suffrage universel en Egypte est sur le point de se transformer en une parodie électorale. À voir les réactions de l'opposition, il est fort probable que le président égyptien se retrouve seul candidat. D'ores et déjà les partis Nassérien et le Tagamou ont annoncé qu'ils boycotteraient le scrutin. Idem pour le militant des droits de l'homme, Saâd Eddine Ibrahim, et l'activiste féministe Nawal Saâdaoui. Ces deux personnalités refusent de prendre part à ce qu'ils ont qualifié de “parodie de démocratie”. Quant à l'adversaire le plus médiatisé de Hosni Moubarak, le président du parti Ghad, il s'est attelé à critiquer l'annonce surprise de la date de l'élection. “Avancer la date est une catastrophe, une décision illogique. Comment préparer une campagne en un si court délai”, a déclaré Aymen Nour. Sous le coup d'une procédure judiciaire, cet opposant estime que l'avancement de ce rendez-vous électoral constitue “une falsification anticipée” des élections. Poursuivant sur sa lancée, il ajoutera : “Imposer le fait accompli fournira des prétextes pour exercer la violence. Nous n'aurons plus d'arguments pour convaincre ceux qui la prônent lorsqu'ils nous diront : vous avez essayé le dialogue sans succès et il ne reste plus que la terreur.” De son côté, George Izhak, un des fondateurs du mouvement Kefaya, qui est à l'avant-garde de la contestation populaire, affirmé que “le délai est trop court et les candidats n'auront aucune chance de mener campagne”. Il annonce même une manifestation contre l'élection présidentielle pour le 29 juillet prochain. Pour les analystes égyptiens, il ne fait aucun doute que le régime en place est déterminé à prendre de vitesse l'opposition. C'est l'avis de Nabil Abdel Fattah, analyste au Centre d'Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques. Il pense que la décision d'avancer le rendez-vous électoral “a pour but d'écourter les critiques de l'opposition contre le processus électoral et de mettre l'opposition devant le fait accompli d'une réélection de Moubarak”. Par ce procédé “le régime prend de court les autres candidats, qui n'auront qu'un laps de temps très limité comparé à la visibilité médiatique dont dispose déjà le chef de l'Etat”, précise-t-il. Dans leur mode actuel, les élections “ne sont qu'un jeu politique de l'élite au pouvoir et non une concurrence équitable sur le marché politique”. Au sein du Parti national démocratique au pouvoir, la satisfaction est totale. Gamal Moubarak, fils cadet du raïs et haut responsable du PND, a déclaré que son parti était soucieux de participer à la campagne “dans un esprit de concurrence équitable et loyale”. Ecartant définitivement l'idée de sa candidature, il ouvre la voie à son père, qui devrait officialiser la sienne pour un cinquième mandat. K. ABDELKAMEL