Le premier scrutin pluraliste pour la présidence égyptienne est dépourvu de tout suspense. Le raïs est assuré d'enlever un cinquième mandat, malgré la présence d'autres candidats. Tous les observateurs de la scène politique cairote s'accordent à dire que les jeux sont faits d'avance dans cette élection présidentielle égyptienne. Nul ne doute de l'identité du vainqueur du scrutin. Au Caire, l'on s'interroge seulement sur l'ampleur de la victoire du président candidat et du taux de participation des votants. Fort de sa formation politique, le Parti national démocratique, qui contrôle tout le pays sous la houlette de son fils Gamal, Mohamed Hosni Moubarak, part largement gagnant pour cette consultation électorale. En effet, le PND quadrille l'Egypte grâce à un réseau d'allégeance et tient sous sa coupe une presse qui tire à plusieurs milliers d'exemplaires. Conscients de cet avantage, ses neufs rivaux dans la course à la magistrature suprême n'émettent pas le moindre doute quant à l'issue du scrutin, qui consacrera encore une fois le président. “Tout le monde dit que Moubarak va gagner. Je suis déçu. Nous aurions besoin d'un changement pour que le pays se développe”, dira un partisan du candidat le plus en vue, le Dr Ayman Nour. Jouant le jeu pour la circonstance, le raïs a mené une véritable campagne électorale remplie de promesses qui n'engagent en fait que ceux qui y croient. Cédant aux pressions occidentales, notamment américaines, Hosni Moubarak a accepté que l'élection se déroule au suffrage universel avec la présence d'autres candidats. Cette esquisse de démocratisation n'est en fait que de la poudre aux yeux, dans un pays plongé dans le chômage, la pauvreté, la corruption et l'abus de pouvoir. Le raïs a lui-même relativisé cette ouverture démocratique en déclarant : “Personne n'imagine qu'il suffise d'appuyer sur un bouton pour que les libertés arrivent. Cela conduirait au chaos et ce serait dangereux pour les gens.” Les promesses de l'ancien maréchal de l'aviation égyptienne ont surtout tourné autour du maintien de la paix civile. Moubarak a également fait miroiter à son peuple une nouvelle ère de prospérité et de démocratie. Comme d'habitude, il n'a pas omis de lancer ses phrases habituelles du genre : “Je vous aime aussi”, “Je me sacrifierai pour vous, moi aussi”. Il faut dire que le chef de l'Etat égyptien et ses collaborateurs ont pris de court toute l'opposition en ne lui laissant guère le temps de s'organiser en conséquence. L'on se rappelle des vives protestations qu'avaient engendrées l'annonce de la tenue de cette élection présidentielle. La seule satisfaction, selon les analystes de la scène cairote, aura été la possibilité de critiquer sans crainte le raïs comme l'a déclaré Nabil Abdel Fattah, un chercheur en sciences politiques au centre pour les études stratégiques d'al-Ahram. “Nous avons vécu un moment inouï en Egypte : on a pu s'en prendre directement à la personne du Pharaon comme jamais dans ce pays”, a-t-il déclaré. En dépit des réclamations américaines, le régime de Hosni Moubarak n'a pas cédé sur la question de la présence d'observateurs internationaux. Reste à savoir maintenant si les observateurs indépendants locaux seront réellement présents dans les 9 865 bureaux de votes. Le meilleur exemple montrant que le résultat est connu d'avance est ce mépris affiché par la commission électorale vis-à-vis de la justice égyptienne, à travers sa décision d'ignorer l'arrêt du tribunal permettant aux organisations non gouvernementales d'envoyer des observateurs dans les bureaux de vote. K. ABDELKAMEL