C'est à coups de jets d'eau et de gaz lacrymogènes que les forces de l'ordre ont bloqué les marcheurs à la place du 1er-Mai. Plusieurs arrestations sont signalées dont celle d'Athmani Hanafi du Satef de Béjaïa. La tension dans les rues d'Alger était à son comble hier matin. Les forces de sécurité, sur le qui-vive, ont brutalement dispersé les marcheurs syndicalistes venus manifester pacifiquement. Ils étaient nombreux à répondre à l'appel de la Confédération des syndicats algériens (13 syndicats autonomes de la Fonction publique) qui a appelé depuis le 2 avril dernier à une journée de grève générale et à une marche nationale. Le rassemblement a été spectaculaire. Réunis à la Grande-Poste, des milliers de manifestants sont venus crier leur colère, rejoints par les étudiants et de nombreux autres citoyens. Une forte mobilisation qui donne un second souffle à la contestation qui a démarré de la place du 1er-Mai. "Ce qu'ils ont fait subir hier aux étudiants est intolérable. Ils ont manifesté pacifiquement et ne méritaient pas d'être violentés de la sorte. Qu'ils soient sûrs qu'ils ne nous font pas peur et notre conviction n'est désormais que plus grande. Le changement doit s'opérer quoi qu'il nous en coûte", déclare un syndicaliste aux traits tirés. Il montre des foulards mouillés et des bouteilles de vinaigre presque vides. "Nous avons payé chaque bouteille à 150 DA. Même les commerçants en profitent", ricane-t-il le cœur serré et les yeux pleins de larmes. Il venait de subir des violences et certains de ses compagnons ont été arrêtés par la police. "Comme si les jets d'eau et les gaz lacrymogènes ne suffisaient pas, maintenant, ils usent d'insultes et de violence et passent aux arrestations. Notre ami Athmani Hanafi a été embarqué par la police et cela fait plus de deux heures que nous sommes sans nouvelles. Il y en a d'autres aussi", a confié un représentant du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef). "Nous avons été obligés de nous faufiler, en nous dispersant, pour rejoindre notre point de ralliement à la Grande-Poste", ont-ils ajouté. Et c'est justement en ce lieu devenu emblématique pour tous les manifestants, qu'une marée humaine scandait d'une seule voix "Bensalah dégage", "Un seul héros le peuple", "Allah, Allah ya baba djina nahou al issaba" (nous sommes venus écarter les bandits), ou encore "Djazaïr horra democratiya" (Algérie libre et démocratique). Sur les banderoles on pouvait lire : "Ya el Gaïd 45 millions d'Algériens ne sont pas idiots pour accepter l'article 102" ou encore : "On refuse les trois B, vous allez tous partir". Les forces de l'ordre se sont cantonnées au niveau de la Fac centrale empêchant la progression des manifestants venus grossir les rangs de leurs camarades protestataires à la Grande-Poste et sur les places avoisinantes. Peine perdue. La détermination des manifestants n'a, à aucun moment, été ébranlée. "Nous avons réussi à faire partir Bouteflika, mais c'est loin d'être suffisant. Il nous a laissé un cadeau empoisonné. Bensalah doit partir et nous sommes là pour le dire haut et fort", nous a déclaré le SG d'Alger du Syndicat national des travailleurs de l'éducation. Venus avec de nombreux autres collègues d'Alger et d'autres villes du pays, ils nous ont dit : "Les plus dangereux sont les députés. Honte à eux. Nous allons les lister et afficher leurs noms dans chaque wilaya, ils seront maudits à vie." Et de poursuivre : "Nous n'oublions pas Bedoui même si, lui, tente de se faire oublier. Mais notre grande déception est Gaïd Salah qui se joue de nous et joue avec nos nerfs, mais nous sommes plus tenaces qu'ils ne peuvent l'imaginer tous comme ils sont, car désormais, nous n'avons rien à perdre. Rendez-vous vendredi…." Nabila Saïdoun