Au-delà de la caution apportée à Abdelkader Bensalah, désavoué et contesté par les Algériens bien avant d'hériter de l'intérim, le chef d'état-major, dans une tentative de "rassurer" sur ses intentions, assure que l'ANP va accompagner ce processus. Ceux qui auront nourri quelques maigres illusions de voir l'institution militaire se mettre au diapason des revendications populaires en auront eu pour leur grade : le chef d'état-major, général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, semble avoir fermé définitivement la porte à une éventuelle période de transition telle que réclamée par la population et une bonne partie de l'opposition, celle qui devrait être conduite par des figures autonomes en dehors du carcan constitutionnel. "Cette phase historique charnière et cruciale requiert, voire impose, à l'ensemble des enfants du peuple algérien dévoué, fidèle et civilisé, de fédérer les efforts de tous les nationalistes en suivant la voie de la sagesse, de la pondération et de la clairvoyance, qui tient compte de l'intérêt suprême de la nation en premier lieu, de prendre en considération que la conduite de la période de transition nécessite un ensemble de mécanismes dont la mise en œuvre doit s'effectuer conformément à la Constitution (…)", a affirmé, hier, Gaïd Salah dans une allocution devant les cadres et le personnel de la 5e Région militaire (Oran). Au-delà de la caution apportée à Abdelkader Bensalah, désavoué et contesté par les Algériens bien avant d'hériter de l'intérim, Ahmed Gaïd Salah, dans une tentative de "rassurer" sur ses intentions, assure que l'ANP va accompagner ce processus. "Je voudrais confirmer, dans ce contexte, que la période de transition, destinée à la préparation de l'élection présidentielle, se fera avec l'accompagnement de l'ANP, qui veillera au suivi de cette phase, au regard de la confiance réciproque entre le peuple et son armée, dans un climat de sérénité et dans le strict respect des règles de transparence et d'intégrité et des lois de la République." Le prétexte de la "main étrangère" Comme pour justifier son attachement à l'unique option qui vaut à ses yeux et comme pour exclure toute autre alternative qu'il désigne sous le générique de "positions obstinées et revendications irréalisables", Ahmed Gaïd Salah recourt au registre éculé de la "main étrangère", accusation qui ne fait plus désormais recette. "Avec le début de cette nouvelle phase et la poursuite des marches, nous avons déploré l'apparition de tentatives de la part de certaines parties étrangères, partant de leurs antécédents historiques avec notre pays, poussant certains individus sur le devant de la scène actuelle en les imposant comme représentants du peuple en vue de conduire la phase de transition, afin de mettre à exécution leurs desseins visant à déstabiliser le pays et semer la discorde entre les enfants du peuple, à travers des slogans irréalisables visant à mener le pays vers un vide constitutionnel et détruire les institutions de l'Etat, voire provoquer une déclaration de l'état d'exception, ce que nous avons récusé catégoriquement depuis le début des événements, car il est irraisonnable de gérer la période de transition sans les institutions qui organisent et supervisent cette opération, et ce, au regard des conséquences découlant de cette situation qui pourrait compromettre tout ce qui a été réalisé depuis l'indépendance à ce jour, en termes d'acquis et de réalisations qui demeurent la fierté des générations." Si l'accusation cible à l'évidence l'ancienne puissance coloniale, Ahmed Gaïd Salah cherche aussi à jeter en pâture certaines figures ayant émergé comme voix de la contestation, à l'image de l'avocat Me Bouchachi auquel le journal Le Monde a consacré, il y a quelques jours, un portrait. Autre argument qui réclame, selon lui, la "patience" et la "lucidité" : les perspectives sombres de l'économie à brève échéance qui n'autoriseraient pas, selon lui, une longue période de transition. "Comme il appartient à tout un chacun de comprendre et d'assimiler tous les aspects et les contours de la crise, durant la période à venir, notamment dans son volet socioéconomique, qui s'aggravera davantage si les positions obstinées et les revendications irréalisables persistent, ce qui se reflète négativement sur les postes de travail et le pouvoir d'achat du citoyen, notamment au regard d'une situation régionale et internationale tendue et instable", soutient Gaïd Salah. Les raisons de la répression ? Histoire peut-être de suggérer et, par ricochet, de justifier le recours à la répression qui est apparue ces derniers temps et qui focalise les critiques, Ahmed Gaïd Salah évoque "l'infiltration" des marches par des individus qui visent à dévoyer les marches pour imposer un "plan pernicieux". "Aussi et afin de déjouer les tentatives d'infiltration de ces parties suspectes, nous avons consenti tous nos efforts au sein de l'ANP, afin de préserver cet immense élan populaire de l'exploitation par ceux qui le guettent à l'intérieur et à l'extérieur, à l'instar de quelques individus appartenant à des organisations non gouvernementales, qui ont été pris en flagrant délit dont la mission consiste à infiltrer les manifestations pacifiques et à les orienter, avec la complicité et en coordination avec leurs agents à l'intérieur", accuse-t-il, sans pour autant fournir ni le nombre ni l'identité de ces individus. Corruption : haro sur la "bande" et vente concomitante Handicapé par l'absence de l'adhésion de la population à la démarche de l'application de l'article 102, Ahmed Gaïd Salah tente un dernier baroud d'honneur pour renouer la confiance avec le peuple, une espèce de vente concomitante : il annonce ainsi l'ouverture des dossiers de corruption et la poursuite de la "bande" impliquée dans les affaires de détournements de deniers publics en contrepartie d'une hypothétique adhésion à l'option d'une sortie de crise dans le cadre constitutionnel. "(…) Nous soulignons que la justice, qui a recouvré ses pleines prérogatives, agira en toute liberté, sans contrainte aucune, sans pressions ni ordres, pour entamer des poursuites judiciaires contre toute la bande impliquée dans les affaires de détournement des fonds publics et d'abus de pouvoir pour s'enrichir illégalement", affirme Gaïd Salah. "À cet effet, nous rassurons l'opinion publique que la question s'étendra à tous les dossiers précédents, comme l'affaire El-Khalifa, celles de Sonatrach et du "Boucher" et autres dossiers relatifs à la corruption qui ont occasionné des pertes considérables au Trésor public." On l'aura compris : il suggère que toutes les affaires qui ont éclaté sous le règne de Bouteflika soient jugées, mais également que tous les oligarques apparus durant cette période poursuivis. Reste que Gaïd Salah ne nous dit pas par quel artifice la "justice a recouvert ses prérogatives", ni s'il est habilité à évoquer son rôle. Il se veut, en tout cas, "honnête" et ne "nourrit aucune autre ambition", comme pour évacuer d'un revers de la main l'intention qu'on lui prête, celle d'enfiler les "oripeaux" d'Al-Sissi, le président égyptien. Karim Kebir