Au centre-ville, la marée humaine devient impressionnante. Le décor de vendredi dernier, lorsque la marche a rassemblé environ un million de personnes, est planté. Bien que diluviennes, les pluies d'hier matin n'ont pas empêché la population de la wilaya de Tizi Ouzou d'être, hier, au 5e rendez-vous avec l'Histoire. "Lorsque nous nous attaquons à un os aussi dur que le système, ce ne sont pas quelques gouttes de pluie qui vont nous dissuader de sortir", nous disait d'ailleurs un des premiers jeunes manifestants arrivés, peu avant midi, devant l'entrée de l'université de Tizi Ouzou. Comme lui, des centaines, puis des milliers de personnes étaient déjà en route vers la ville. À 13h la place de l'Université était noire de monde. La foule — plusieurs milliers de personnes — s'ébranle sous une pluie battante et se dirige comme à l'accoutumée, depuis le 22 février, vers le centre-ville. Tout en scandant "Klitou lebled ya saraqin", "Echaab yourid isqat enidham", "Djeich chaab khawa khawa", et encore "França edi wladek", "Bedoui dégage", "Lamamra dégage", "La nourid, la nourid la Bouteflika la Saïd". À l'arrivée de la foule à hauteur du CHU de Tizi Ouzou, la pluie cesse, les premières éclaircies apparaissent, le ciel a, lui aussi, pris le parti du peuple. Et le flux humain venant en sens inverse pour rejoindre la marche ne tarit pas. Au centre-ville, la marée humaine devient impressionnante. Le décor de vendredi dernier, lorsque la marche a rassemblé environ un million de personnes, est planté. La marche est, tout simplement, gigantesque. Il y avait autant d'hommes que de femmes de tous âges. Beaucoup marchent en famille, souvent avec des bébés dans les bras. À partir de la place de l'ex-mairie, personne ne peut plus avancer, ni rebrousser chemin, sur l'itinéraire menant jusqu'à la place de L'Olivier. Même les ruelles adjacentes sont envahies de monde. Chaque groupe crée alors une ambiance sur place. Une ambiance de fête bien sûr. Des centaines de banderoles, des milliers de pancartes sont brandies. "Non au recyclage, oui au formatage", lit-on sur une pancarte fièrement exhibée par une septuagénaire en tête d'un groupe de manifestants. "Ya Bedoui, ya Lamamra non au complot, non au recyclage", "Non à une transition conduite par un gang", "Système dégage", "FLN, RND, MPA, TAJ : la mer est agitée, la baignade est interdite", "Non au 4e", "Libérez l'Algérie", lit-on sur d'autres pancartes qui résument clairement les revendications de la rue. "Votre fin approche", lit-on sur une banderole sur laquelle sont collés les portraits de Benyounès, Bouchareb, Haddad, Ouyahia, les frères Bouteflika, Lamamra et Brahimi. D'autres résument plutôt la détermination à poursuivre la mobilisation. "Nous ne quitterons pas notre pays, le combat continue", "Vous prolongez le mandat, nous prolongerons le combat", lit-on sur certaines d'entre elles. À 17h30, la foule commence à se disperser mais d'importants groupes continuaient à sillonner la ville. À Tizi Ouzou, nous ne voulons plus que ça finisse. "Jusqu'à la chute du régime", répète-t-on inlassablement. Samir LESLOUS