Des armes françaises sont bien utilisées dans le conflit au Yémen, confirme une note du renseignement militaire français qui fissure la version officielle du gouvernement, a révélé hier le nouveau média d'investigation français Disclose. Selon la ligne invariablement avancée par Paris, qui ne dément pas l'existence de cette note, l'armement français possédé par l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis n'est utilisé que de manière défensive dans cette guerre qui a fait au moins 10 000 morts depuis 2015 et poussé des millions de Yéménites au bord de la famine. Or, d'après une note de la Direction du renseignement militaire (DRM) transmise à l'exécutif français en octobre 2018 et obtenue par Disclose, partenaire de France Info, Mediapart, The Intercept, Konbini et Arte, des armes françaises sont bien utilisées sur le territoire yéménite par Riyad et Abou Dhabi contre les Houthis, minorité chiite. De nombreuses ONG dénoncent régulièrement l'exportation d'armement français aux belligérants du conflit, susceptible selon elles d'être utilisé contre les civils. Selon cette note, "48 canons Caesar produits par l'industriel français Nexter et déployés le long de la frontière saoudo-yéménite appuient les troupes loyalistes, épaulées par les forces armées saoudiennes, dans leur progression en territoire yéménite", souligne cette note. Une carte de la DRM intitulée "population sous la menace des bombes" estime que 436 370 personnes sont potentiellement concernées par de possibles frappes d'artillerie, dont celles des canons français. Sur le champ de bataille évoluent des chars Leclerc, observés au Yémen et déployés en position défensive, selon la note. Or, en novembre 2018, les chars français sont au cœur de la bataille d'Al Hodeïda qui a fait 55 victimes civiles, selon l'ONG américaine Acled, assure Disclose après avoir recoupé la note de la DRM avec des images satellites et des vidéos. Dans les airs, des Mirage 2000-9 opèrent au Yémen, selon la note. Quant au pod de guidage laser français Damoclès (Thalès), "il pourrait être employé au Yémen", suggère la DRM. "En mer, deux navires de fabrication française participent au blocus naval qui empêche le bon ravitaillement des populations, et l'un d'entre eux contribue à l'appui des opérations terrestres menées sur le territoire yéménite", précise la DRM. Dans une réponse écrite des services du Premier ministre, hier, le gouvernement français affirme qu'"à notre connaissance, les armes françaises dont disposent les membres de la coalition sont placées pour l'essentiel en position défensive, à l'extérieur du territoire yéménite ou sur des emprises de la coalition, mais pas sur la ligne de front". "Le gouvernement ne peut plus nier le risque de complicité dans des crimes de guerre", réagit, de son côté, la directrice France de l'ONG Human Rights Watch sur Twitter, Bénédicte Jeannerod, en appelant la France à cesser les ventes aux pays de la coalition Arabie-EAU et faire toute la transparence.