Partout, l'emblème amazigh est déployé aux côtés du drapeau national. "Goulna ga3, c'est ga3" (On a dit tous, c'est tous), "Non au mépris". Ces deux slogans apposés sur deux banderoles déployées à la place Audin renseignent, à eux seuls, sur l'étendue de l'insatisfaction des Algériens quant au maintien au pouvoir des deux B (le président par intérim, Abdelkader Bensalah, et le Premier ministre, Noureddine Bedoui) dont la tête est réclamée depuis belle lurette par les manifestants, mais maintenus à leurs postes contre vents et marées. Qu'à cela ne tienne, les Algériens ne désespèrent pas de "dégager" les derniers débris du bouteflikisme et maintiennent la pression sur les autorités. Et pour ce 9e vendredi successif, depuis le début de l'insurrection citoyenne, les manifestants étaient nombreux à descendre dans la rue pour réitérer leur revendication principale : le départ du système. À Alger, comme tous les vendredis depuis le 22 février dernier, la Grande-Poste comme la place Audin ont été prises d'assaut très tôt. La même foule hétérogène et bigarrée et les mêmes slogans (entre autres le fameux "Klitou lebled, yasserrakine", c'est-à-dire "vous avez dévoré le pays bande de voleurs") ou presque ont été au rendez-vous cette fois-ci encore.Petite nouveauté : le Tunnel des facultés a été fermé aux manifestants, pour raison de sécurité, dit-on. Des fourgons bouchent les deux issues. Et pour certainement ne pas reproduire la bévue de vendredi passé, lorsque des éléments de brigade antiémeutes ont aspergé de gaz lacrymogènes les manifestants dans le tunnel, la haie de policiers empêchant de remonter le boulevard Mohammed-V a été enlevée.Il faut dire aussi que la présence policière a été très réduite hier à Alger-Centre même si, pour empêcher les manifestants d'affluer des autres régions du pays, des barrages filtrants ont été dressés à l'entrée de la capitale. Mais peine perdue. Et comme tous les vendredis, le président par intérim, Abdelkader Bensalah, en a eu pour son grade. "Bensalah dégage", lancent des manifestants. "Et Viva l'Algérie, ils partiront tous", scandent d'autres. Pour illustrer cette colère citoyenne contre les 2 B, un manifestant a dessiné une cuvette des toilettes sur laquelle sont mises les photos de Bensalah et de Bedoui en y accrochant cet écriteau : "Yetchassaw ga3" (ils passeront tous par la chasse). Comme les autres vendredis, le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, a été plus ou moins épargné même si certains manifestants l'ont un peu hué.Un manifestant brandit une pancarte sur laquelle il a écrit : "Un seul Gaïd, le peuple." Un autre a arboré un portait du patron de l'armée, sur lequel il a écrit : "Le peuple est avec toi Gaïd Salah." C'est clair : les Algériens tiennent beaucoup à cette communion entre le peuple et l'armée. Hommage aux victimes du Printemps noir Autre fait saillant de ce 9e vendredi de la révolution du sourire : l'hommage appuyé rendu par certains manifestants aux jeunes de Kabylie assassinés en 2001 par les gendarmes. Sur un petit muret, juste à côté de la Grande-Poste, des portraits de plusieurs jeunes assassinés ont été affichés, et où était écrit : "Hommage aux martyrs du Printemps noir de 2001. Gloire à nos martyrs." Partout, l'emblème amazigh est déployé aucun aux côtés du drapeau national et même de celui de la Palestine. Et les fameux "Ulac smah ulac" et "Mazalagh dhimazighen" (nous sommes des Amazighs)", que scandaient les insurgés de 2001, ont retenti, hier, à plusieurs endroits à Alger-Centre. Mieux, des portraits de Matoub Lounès et de Mouloud Mammeri mais aussi de Hocine Aït Ahmed ont été brandis par des manifestants. Une façon à eux de conjuguer le passé au présent et de signifier que l'insurrection d'aujourd'hui est l'aboutissement ou la somme des luttes passées.