"Ce jour est enfin arrivé de pouvoir célébrer le Printemps berbère à Alger sur la voie publique. Des jeunes ont sacrifié leur vie", soutiendra une sexagénaire. Au lendemain du neuvième vendredi de "silmiya" qui, une nouvelle fois, a été une réussite, les Algérois ont commémoré, hier, un double anniversaire lié au combat de la cause berbère : le 39e Printemps berbère et le 18e Printemps noir. Ils ont observé, à cet effet, un rassemblement et ont battu le pavé des artères d'Alger-Centre. Drapés dans l'emblème amazigh aux couleurs bleu, vert et jaune ou le drapeau national, des jeunes, des étudiants, des femmes, ainsi que des personnes âgées ont commémoré l'événement, et ce, dans le sillage du mouvement populaire de contestation. Ils sont venus rendre un vibrant hommage aux martyrs du Printemps et rappeler aux nouvelles générations le long combat démocratique mené par leurs aînés pour que "tamazight soit aujourd'hui constitutionnalisée et enseignée aux côtés de l'arabe comme langue nationale". Vers 11h, des manifestants, brandissant des drapeaux, commencent à affluer vers l'emblématique édifice de la Grande-Poste. Déployées sur les lieux, des brigades pédestres antiémeutes ont empêché les manifestants de prendre place sur l'esplanade de la Grande-Poste. Les contestataires ont entamé des discussions avec les policiers pour leur demander de les laisser s'installer sur les escaliers donnant accès à la Grande-Poste. En vain. Malgré moult tentatives, les policiers restent impassibles et opposent sans répression "un niet catégorique". Scandant les slogans habituels tels que "Pouvoir assassin" ou "Assa azzeka, tamazight thella thella", les manifestants se sont alors rassemblés non loin de l'entrée de la Recette principale d'Algérie Poste. Les manifestants continuent à affluer. Ils brandissent des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : "Marchons différemment, frappons ensemble", "Hommage aux 127 martyrs du Printemps noir" ou encore "Ils ont modifié l'histoire pour nous contrôler". Des femmes, vêtues de robes aux motifs berbères et accompagnées de leurs enfants, se sont jointes aux autres manifestants pour fêter l'événement historique. "Dieu merci, ce jour est enfin arrivé de célébrer le Printemps berbère à Alger sur la voie publique. Des jeunes ont sacrifié leur vie", soutiendra une sexagénaire tout émue. Pour maintenir l'âme de la manifestation, un autre groupe de jeunes reprend en chœur une célèbre chanson du défunt Matoub Lounès Idhourar idhel amriou (la montagne est mon âme). Un septuagénaire prend la parole parmi la foule pour retracer le fil des événements d'Avril 1980, tout en demandant aux présents d'avoir une pieuse pensée pour les victimes du mouvement. "Nul de doit oublier Massinissa Guermah et les autres, assassinés en 2001. Il restera à jamais un héros du Printemps noir." Vers 12h30, les contestataires, par escouade, ont tenté d'entamer une marche jusqu'à la place Audin, mais, les forces de l'ordre les en ont empêchés pour les immobiliser au début de la rue Abdelkrim-El-Khettabi. Les policiers ont pu, en fait, les contenir sans violence, au niveau du jardin Mohamed-Khemisti. "Il n'est pas question de poursuivre votre marche aujourd'hui, reprenez votre place près de la Grande-Poste", fulminera un officier. Néanmoins, un groupe de jeunes a pu tromper la vigilance des policiers pour entamer une marche à hauteur de l'entrée principale de la Fac centrale (université Benyoucef-Benkhedda), jusqu'à la mythique place Audin. Le groupe en question a ravi l'attention des piétons et des automobilistes, en entonnant la célèbre chanson de Matoub Lounès Monsieur le président. Une patrouille de policiers antiémeutes et des véhicules d'intervention, ainsi que des camions à canon à eau sont stationnés tout le long du boulevard Mohammed-V, soit en face du Tunnel des facultés ouvert hier à la circulation automobile et aux piétons. 13h4, retour à la Grande-Poste. Les policiers pressent les manifestants de quitter les lieux. "Il est l'heure de partir", lancera un agent. Les protestataires refusent d'obtempérer à l'ordre des policiers, en répliquant : "Nous sommes sur la voie publique, cela est consacré par la Constitution." Un autre manifestant ne manquera pas de rappeler aux éléments de la police la teneur de l'article 49 de la Constitution qui garantit le droit de manifester dans la rue. Hanafi H.