Près d'une semaine après son discours musclé à Ouargla, le chef d'état-major de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, désormais sur la ligne de front, est plus que jamais sous pression.Ecartelé entre le désir difficilement contenu de sauver un système obsolète atteint de stérilité politique et réfractaire au changement, et le souci de se ranger du côté du peuple qui réclame un changement profond, Ahmed Gaïd Salah semble être, au fil des jours, sur la corde raide. Vendredi dernier, ce sont des millions d'Algériens qui lui ont rappelé les engagements qu'il avait pris, quelques jours avant, à savoir concrétiser les revendications du peuple et la nécessité, pour la justice, d'engager des poursuites à l'encontre de ceux qui ont dilapidé les deniers publics et qui ont trempé dans des affaires de corruption. Même si dans l'imaginaire populaire on lui prête beaucoup de pouvoirs, particulièrement durant cette période délicate, il reste que l'armée aujourd'hui se retrouve dans une situation, pour le moins très inconfortable. Comment peser, en effet, sur la transition en cours et se conformer à ses missions constitutionnelles sans risquer de se retrouver comme principal acteur de la vie politique ? Va-t-elle encore continuer à apporter son soutien aux "institutions", ou va-t-elle se résoudre à la solution politique, comme le réclame le peuple algérien ? Mardi dernier, dans son discours à Ouargla, Ahmed Gaïd Salah avait laissé planer un peu de confusion sur sa démarche. Autant il a réitéré "l'engagement de l'ANP d'accompagner les institutions de l'Etat durant cette transition", autant il a souligné que "toutes les perspectives possibles restent ouvertes afin de surmonter les difficultés et trouver une solution à la crise dans les meilleurs délais". Il a également dit "comprendre les revendications légitimes du peuple" que "nous (ANP, ndlr) nous sommes engagés à concrétiser". Et depuis, il ne se passe pas un jour sans qu'il soit invité à tenir ses promesses. "Une mobilisation populaire, quelles que soient sa dimension et sa profondeur, ne donnera pas facilement de prolongements humains, politiques et institutionnels, même à travers des instances transitoires ou des conférences nationales. Cela est de la responsabilité et du devoir de l'armée et de toutes les élites nationales", a écrit l'ancien Premier ministre, Mouloud Hamrouche. Mais si pour Saïd Sadi, l'armée n'est pas "compétente" pour gérer une transition démocratique, pour Karim Tabbou, Gaïd Salah doit "démissionner". Quant à Ali Benflis, il soutient qu'"il n'est pas attendu de nos forces armées qu'elles soient l'ordonnateur de la sortie de crise, mais qu'elles remplissent un devoir de facilitation, d'accompagnement, de garantie et de protection de la solution de la crise". Comment va réagir Gaïd Salah maintenant que la pression exercée sur lui augmente, d'autant que le déploiement de la gendarmerie filtrant les entrées à Alger a été très critiqué et que lui-même a admis que le temps presse ? Assurément, les prochains jours s'annoncent particulièrement difficiles pour le chef de l'armée appelé à "sortir du bois" : soit choisir d'accompagner la solution réclamée par le peuple ou tenter de sauver un système, à travers son soutien à Bensalah et à Bedoui, avec ce que cela comporte comme risques sur l'institution.