CONTRE-REVOLUTION CLANIQUE : TRAHISON DU PEUPLE Depuis maintenant plus de deux mois, le peuple algérien, debout et solidaire, exprime pacifiquement sa volonté d'en finir avec un système politique illégitime, violent et corrompu qui lui a confisqué droits et libertés depuis le premier jour de son indépendance. Pour la première fois de leur jeune Histoire, les Algériens, fiers de leur pays, regardent avec confiance l'avenir. Surpris par l'ampleur des manifestations, le pouvoir a tenté de recourir aux traditionnelles menaces à l'instabilité ou la main de l'étranger avant de se résoudre à admettre, verbalement, la légitimité des revendications d'un mouvement sans précédent. Quitte à ne rien céder sur le fond malgré les problèmes qui bousculent le régime. Les deux clans qui se disputaient, dans l'ombre, les faveurs de Bouteflika sont désormais face à face. L'un, regroupé autour de l'ancien chef du DRS; l'autre mené par le chef d'état major de l'armée, s'opposent publiquement sur la façon d'étouffer, de détourner ou de faire avorter la révolution du 22 février. Au premier, on prête des dossiers qu'il détiendrait sur son adversaire. Il tente également d'infiltrer le mouvement citoyen par des slogans tendancieux et des opérations de déstabilisation-récupération. Le second , pour sa part, n'hésite pas à instrumentaliser les démembrements de l'Etat pour renforcer ses positions. La justice étant missionnée dans des opérations dignes des pires années de plomb. Cette régression n'augure de rien de bon. Une fois de plus, l'Algérie est prise en otage par deux clans militaires façonnés par la vieille culture faite de violence et d'opacité. Ces affrontements chaotiques mettent en péril la nation que la jeunesse, suivie par le peuple unanime, a ressuscitée dans la rue avec une dignité et un patriotisme exemplaires. Cette résurrection nationale inespérée est aujourd'hui menacée par des ambitions de personnes irresponsables dont les intérêts sont aux antipodes des attentes des Algériens. La tentative de normalisation visant à domestiquer l'insurrection citoyenne par un pathétique processus de caporalisation constitutionnelle a d'ores et déjà lamentablement échoué. D'où la fuite en avant dans une contre-révolution assumant la trahison des aspirations de tout un peuple rassemblé par et dans le devoir de patriotisme. La stratégie contre-révolutionnaire est désormais clairement dévoilée. Des décisions judiciaires ou administratives sont prises pour entretenir la confusion des responsabilités, dresser les communautés nationales les unes contre les autres et dévoyer la Révolution. C'est ainsi qu'une vaste opération de provocation est mise en place en Kabylie. Les deux clans, chacun à sa manière, s'emploient à provoquer des réactions violentes dans cette région, espérant ainsi égarer et briser la dynamique nationale qui en appelle collectivement et résolument à un changement radical de système. Cette pression mafieuse commence à produire des effets qu'il est urgent de combattre. Des organisations socio-professionnelles longtemps clientélisées ont, malgré tout, été amenés à s'aligner sur la révolution citoyenne du 22 février. Depuis quelques jours, ces repositionnements, souvent ambigus et opportunistes, font place à des déclarations paradoxales où l'allégeance à une direction de l'armée, aveugle et prisonnière de ses vieux démons, est suivie d'appels à « la satisfaction des revendications du peuple ». Le peuple algérien s'est soulevé pour l'avènement d'un nouveau système politique basé, entre autre, sur l'Etat de droit et la libre information. Rien ne pourra l'arrêter. L'asservissement éhonté de la justice et la généralisation de la désinformation-diffamation sont les expressions les plus violentes de la trahison de la révolution civique saluée de par le monde. La guerre des clans militaristes que nous avons maintes fois éprouvée, n'est pas la solution mais la cause du malheur algérien. Notre combat peut être long mais sa réussite est inéluctable. Seule la pérennité du mouvement citoyen peut permettre à l'Algérien de recouvrer droits fondamentaux et maîtrise de l'exploitation et de la juste répartition de la richesse nationale. Cette pérennité passe par deux impératifs : préservation du caractère pacifique et unité du mouvement. Il faudra les réaffirmer avec force dès ce vendredi, en attendant d'initier d'autres formes de lutte qui relaieront et amplifieront l'écho des manifestations jusqu'à la victoire de la dignité, de la liberté et de la justice. Au delà de sa dimension libératrice, la poursuite et le succès de la Révolution est d'abord une question de survie nationale. Aux visées des puissances traditionnellement actives dans notre région, s'ajoutent maintenant d'autres dangers. Certaines pétro-monarchies ne cherchent même plus à dissimuler leur velléités de neutralisation du processus révolutionnaire en cours. La révolution du 22 février prolonge la libération du pays et incarne et protège la souveraineté nationale. Said Sadi Alger, le 23 avril 2019.