Le peuple soudanais exige du Conseil militaire de transition la remise immédiate du pouvoir aux mains des civils. Mais l'armée continue de vouloir imposer son propre agenda. L'Union africaine (UA) s'est prononcée en faveur d'un transfert du pouvoir aux civils d'ici trois mois, lors d'un sommet organisé hier au Caire et convoqué par le chef d'Etat égyptien, Abdel-Fattah al-Sissi, également patron de la présidence tournante de l'organisation panafricaine. Les pays réunis appellent le Conseil de paix et de sécurité de l'UA "à prolonger de trois mois le délai accordé au pouvoir soudanais" pour une "transition pacifique", affirment-ils dans un communiqué, repris par les agences de presse. Ainsi, l'UA renonce à son ultimatum exigeant des militaires soudanais le transfert du pouvoir dans un délai ne dépassant pas les 15 jours. Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine avait menacé le 15 avril de suspendre le Soudan si l'armée ne quittait pas le pouvoir d'ici 15 jours au profit d'une "autorité politique civile". Ce sommet s'est tenu au moment où la rue soudanaise continue d'exiger la dissolution du Conseil militaire de transition et la mise en place d'un gouvernement civil, qui aura la mission de mener la transition, au lendemain de la démission forcée de l'ancien président Omar al-Bachir, après 30 ans de règne sans partage. "Nous sommes convenus de la nécessité urgente d'aborder la situation au Soudan et d'instaurer un système démocratique global", a déclaré Sissi dans une allocution à la fin du sommet, à laquelle ont assisté plusieurs dirigeants africains, a rapporté Reuters. "Il a été convenu de donner plus de temps pour mettre en œuvre ces mesures" avec l'aide de l'Union africaine, a-t-il ajouté. Abdel-Fattah al-Sissi s'était positionné en faveur du président destitué au début des manifestations et l'a même reçu au Caire en signe de soutien à Omar al-Bachir, aujourd'hui en prison avec certains membres de sa famille et de proches collaborateurs. Plus de 113 millions de dollars ont aussi été retrouvés dans sa résidence du temps où il était président, ont indiqué les nouvelles autorités intérimaires. Avec ce qui peut être qualifié de dérogation, le Conseil militaire dispose ainsi d'un peu plus de temps pour reprendre les négociations avec les leaders de l'opposition soudanaise et les organisations de la société civile, après l'échec de leur première tentative de discussions dimanche dernier. Suite à l'échec de ces discussions, les militaires ont cherché à intimider les manifestants à Khartoum, en essayant de disperser leur rassemblement devant le quartier général de l'armée, en cours depuis deux trois semaines. Cette manœuvre, accompagnée de menaces à peine voilées, a renforcé la détermination des manifestants soudanais à maintenir leur rassemblement devant le QG de l'armée à Khartoum. De nombreux Soudanais, venus de plusieurs villes du pays, se sont joints à ce rassemblement, encadré depuis le début de la contestation le 19 décembre 2018, par le Syndicat des professionnels et des partis de l'opposition. Lyès Menacer