Les députés de la majorité parlementaire poussent le président de l'APN à la démission. Les élus de l'opposition boycottent l'activité d'un gouvernement jugé illégitime. Le fait est à inscrire dans les annales de l'Assemblée nationale. Jeudi, lors d'une séance plénière consacrée aux questions orales, seuls treize députés ont occupé leur siège dans les travées de l'hémicycle du Palais Zighoud-Youcef. La présence s'est limitée aux auteurs des 18 questions adressées à six membres du gouvernement Bedoui (Affaires religieuses, Education nationale, Jeunesse et sports, Solidarité nationale et Famille, Environnement et Energies renouvelables, Energie et, enfin, Agriculture et Pêche). Visiblement ébranlé, Mouad Bouchareb, du haut de son perchoir, avait du mal à administrer la séance dans une salle vide. Un moment de grand malaise pour les ministres aussi, malmenés par les députés présents. Akila Rabhi, élue FLN, a pris la parole pour fustiger le président de l'APN, prompt, selon elle, à ignorer le mouvement citoyen et à œuvrer à légitimer un gouvernement rejeté par la rue. Elle a refusé de poser sa question et a quitté l'hémicycle. À vrai dire, la majorité parlementaire et l'opposition ont boycotté la plénière pour des raisons différentes. Les élus du RCD, du FFS, d'El-Adala, d'El-Bina, d'Ennahda et les indépendants refusent catégoriquement de participer à des travaux auxquels sont associés des ministres. Lakhdar Benkhalef, président du groupe parlementaire de l'alliance Adala-Bina-Ennahda, a dénoncé la programmation de la séance des questions orales contre vents et marées, rendant Mouad Bouchareb responsable d'une velléité de refaire une virginité à sa personne et au gouvernement Bedoui, "pourtant pourchassé par le peuple qui l'exhorte à démissionner". Le groupe parlementaire FLN s'échine, depuis plusieurs jours, à mettre en difficulté le président de l'APN dans l'objectif de le pousser à la démission. Une pétition exigeant son départ a déjà recueili des dizaines de signatures, selon ses initiateurs. Les vice-présidents et les présidents des commissions permanentes, structurés dans les rangs du vieux parti, ont rendu public, avant-hier, un communiqué dans lequel ils demandent à Mouad Bouchareb de quitter de son plein gré ses fonctions à la tête de l'institution, et ce, "pour éviter de recourir à d'autres comportements qui pourraient pousser le peuple algérien à s'insurger". Visiblement, le FLN souhaite éviter la réédition de l'épisode de la destitution à la hussarde de Saïd Bouhadja (portes cadenassées pour l'empêcher d'accéder à son bureau, notamment). Il ne compte pas, non plus, laisser Bouchareb terminer tranquillement son mandat au perchoir de l'Assemblée nationale. Prenant comme prétexte la colère de la masse des Algériens dirigée contre les quatre B (Bensalah, Bedoui, Belaïz et Bouchareb), il le somme de céder le perchoir. "Si vous ne donnez pas un écho favorable, nous vous informons que le groupe parlementaire du FLN boycottera, dorénavant, toutes les activités et tous les travaux que vous présiderez", ont menacé Mourad Hallis et Terbeche Abderrezak (vice-présidents), ainsi que les présidents de la commission des finances et des affaires juridiques, celui de la santé et des affaires sociales et celui de l'agriculture et de la pêche. Le sort de Mouad Bouchareb est définitivement scellé. S'il résiste aux pressions des manifestants, d'un côté, et des députés, de l'autre, il entraînera le Parlement dans une situation de blocage inextricable. Souhila Hammadi