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Le plus grand centre des arts croule sous les dettes
Office Riadh El-Feth
Publié dans Liberté le 27 - 07 - 2005

Malgré tous les efforts, la nouvelle direction demeure incapable de rembourser 40 milliards de centimes de dettes et lance un SOS aux plus hautes autorités.
Ensemble architectural haut de gamme réalisé à coups de milliards, l'Office Riadh El-Feth vit une situation financière critique qui ne manque pas de se répercuter sur son entretien et son fonctionnement. Une simple virée dans ces lieux suffit à renseigner qu'il est plus qu'urgent pour les plus hautes autorités de réagir afin de sauver cet édifice.
“Je ne suis que de passage à la banque. Il n'est pas question pour moi de venir me balader dans ces lieux”, a lancé la première personne accostée au hasard au centre des arts où le visiteur, voire le client est devenu carrément l'oiseau rare.
“Il nous arrive de baisser rideau à 15 heures et au plus tard à 17 heures. Les affaires ne sont pas bonnes depuis un certain temps”, nous a confié l'un des concessionnaires. D'autres voisins ont été unanimes. “Ni les bus ni les taxis ne desservent le centre comme auparavant. L'ancienne station de taxis est transformée en parking pour le personnel de l'Oref”, expliquant ainsi la difficulté pour le visiteur ou le client de rejoindre le centre qui dispose, en effet, d'un immense parking.
Un centre complètement isolé
“Le ticket d'entrée est hors de portée des jeunes qui viennent pour une séance de cinéma ou pour assister à un concert”, dira un consommateur qui n'omet pas de dénoncer au passage le manque de sécurité comme le confirment les concessionnaires eux-mêmes. Un facteur qui fait fuir indéniablement les gens. “Il y a de cela quelques jours, une famille se promenait tranquillement sur l'esplanade lorsqu'un de ses membres est surpris par un voyou qui lui a volé le portable. C'est scandaleux”, a déploré un des locataires du centre parmi les plus anciens qui assiste, selon lui, impuissant à la décadence des lieux autrefois fréquentés par une clientèle huppée.
À cet isolement, s'ajoute le fait que les Algérois persistent à penser que c'est l'endroit où tout article est cédé à des prix exorbitants. “Faux”, rectifie la plupart des vendeurs interrogés qui affirment, pour leur part, qu'ils vendent à des prix compétitifs.
Clochardisation des lieux
Pour renouer avec le public, la direction a permis l'organisation de mini-foires et salons en plus des activités culturelles qui s'y tiennent. Une initiative qui ne semble pas du goût des concessionnaires qui voient en cette option une manière de nuire à leur business qui bat de l'aile et dénoncent la clochardisation des lieux.
“Lorsque les stands sont installés, ça donne un autre visage de l'Oref. Sans parler de l'après-passage de ses pseudo-foires et l'absence totale de propreté”, s'écrient les concessionnaires qui insistent à ajouter : “Ce sont carrément des braderies qui n'ont pas lieu d'être organisées ici, en plus des petites bicoques comme ce vendeur de nougat et autres confiseries venu pour quelques jours, et qui est là depuis des mois sans avoir l'air de vouloir partir un jour.” La plupart des concessionnaires vont jusqu'à contester la gestion de l'Oref et confient n'avoir jamais rencontré le premier responsable des lieux qui n'a même pas daigné, selon leurs déclarations, leur rendre visite. L'autre minorité n'a pas tari d'éloges à son égard. La plupart des concessionnaires ont déclaré, par ailleurs, ne pas reconnaître l'Acaref (Association des concessionnaires) et qu'elle ne les représente nullement.
“Les travaux d'entretien ne sont pas assurés. De toute façon l'Oref n'a plus les moyens, mais en même temps elle nous interdit de solliciter d'autres entreprises d'entretien”, se sont plaints les commerçants qui racontent leurs déboires quotidiens.
“Autrefois, nous avions affaire à une clientèle d'une certaine classe. Aujourd'hui, nous avons droit à la visite d'individus déplaisants qui ne viennent sûrement pour acheter ou alors à des mendiants pour qui les affaires sont parfois plus intéressantes que les nôtres”, ne s'empêche d'ironiser une dame qui gère ce magasin de prêt-à-porter depuis bien des années avant de reprendre d'un ton grave. “Les jeunes ici traînent leurs savates à longueur de journée, s'adonnant à la boisson alcoolisée et parfois même à des stupéfiants au vu et su de tous sans que personne ne réagisse. C'est quand même aberrant”, nous dit-elle, allusion faite aux agents de sécurité et aux éléments de la police qui sont présents et qui n'interviennent que dans les cas d'extrême gravité comme nous le confirment la plupart des concessionnaires ici présents pointant du doigt le seul poste de police au Bois-des-Arcades déserté depuis des mois.
La police argumente, la direction générale se défend
Le commissaire Benahmedou Nassereddine, chef de la sûreté urbaine d'El-Madania, a expliqué, pour sa part, que le poste de police n'a jamais été déserté de ses éléments qui ont été redéployés, selon lui, pour optimiser leurs interventions.
“Nous avons décidé de ne se contenter d'intervenir uniquement lorsqu'il y a plainte et d'être plus présents sur le terrain à travers des équipes pédestres en tenue ou en civil”, dira notre interlocuteur qui a assuré que cette option a déjà fait ses preuves et n'a pas manqué de donner des résultats probants.
Chiffres à l'appui, le commissaire a assuré que les délits ont connu une nette régression indiquant, à titre d'exemple, qu'il a été enregistré, à son actif, 13 agressions suivies de vol au 1er semestre 2005 contre 30 en 2004. Il précisera, en outre, que pour ce qui est de la détention et l'usage des stupéfiants, il a été enregistré 20 affaires en 2005 contre 15 en 2004, ce qui dénote de l'action offensive des éléments de la police pour éradiquer cette pratique néfaste.
Le commissariat implanté à l'intérieur de l'Oref coiffe plusieurs communes (Diar Echems, cité Confort et Diar El-Mahçoul) en plus de l'Oref (Centre des arts et Bois-des-Arcades) qui s'étend sur plusieurs hectares. D'où le recours à un dispositif spécial, selon le commissaire Benahmedou qui a parlé d'un partenariat qui a été conclu avec l'Oref pour une étroite collaboration via un système de communication entre les éléments de la police et les agents de sécurité.
“Cela permettra une intervention immédiate et plus d'efficacité en joignant nos efforts à ceux des agents de sécurité”, en précisant que c'est là une opération-pilote qui a été menée à Riadh El-Feth, en premier lieu, et qui tend à être généralisée à tous les sites de loisirs à grande affluence.
40 milliards de centimes à rembourser
L'Oref se retrouve au lendemain de l'achèvement de sa construction avec une ligne de crédit de 20 milliards de centimes vis-à-vis du constructeur même, le Canadien Lavalin, qui n'a jamais été honorée. Un autre montant de 17 milliards de centimes vient alourdir le handicap financier existant. Il s'agit de l'Impôt sur le bénéfice social (IBS). Or, il s'agit d'un impôt qui n'a pas lieu d'être, selon les déclarations de M. Tedjini, actuel DG de l'Oref.
Ce dernier parle d'un redressement fiscal qui s'est effectué à partir d'une erreur de gestion datant de 1996 après une surévaluation du patrimoine. “L'année dernière, la Sonelgaz ne s'est pas embarrassée de nous laisser dans le noir pendant trois jours réclamant son dû rubis sur l'ongle, et nous avons été dans l'obligation de payer en raclant les fonds de tiroirs alors qu'on avait convenu d'un échéancier”, a confié M. Tedjini pour expliquer les problèmes financiers qu'il a hérités et qu'il a du mal à gérer tant ils sont importants en signalant au passage que l'Oref n'a pas bénéficié de subvention depuis 1989, ce qui n'a pas manqué de se répercuter négativement sur le fonctionnement de l'édifice. Il se défend, par ailleurs, en affirmant que les statuts de l'Oref lui permettent d'organiser les foires et les salons et que cela ne pouvait qu'aider à surmonter les difficultés.
“Les lieux ont besoin d'être rénovés tout autant que le matériel qui a fait son temps. Mais pour cela, il faut de l'argent et beaucoup d'argent pour pouvoir améliorer les prestations. Alors comment faire ?” s'est interrogé le premier responsable de l'Oref pour qui il n'existe pas de solution miracle, à plus forte raison que les concessionnaires qui ne sont que locataires demeurent de mauvais payeurs même si le loyer n'a pas connu d'importante évolution et reste dérisoire.
“L'Etat doit s'impliquer. Il faut absolument remédier à cette situation de crise si on tient à sauver cet édifice”, confie M. Tedjini qui, en désespoir de cause, vient d'adresser un SOS au ministère des Finances.
“Non seulement il faudra éponger les dettes, mais il est primordial d'insuffler la vie à nouveau à cet édifice à travers une aide financière immédiate”, dira M. Tedjini convaincu que c'est le seul moyen de redorer le blason de cet endroit devenu le plus boudé par les Algérois, sauf pour une clientèle nocturne qui fréquente les boîtes de nuit et autres cabarets. Ils sont au nombre de vingt (10 au centre et 10 autres au Bois-des-Arcades) après que des magasins de meubles ou des restaurants eurent opté pour cette activité qui semble plus lucrative. À noter que la seule pharmacie qui existait au niveau du centre a fermé depuis bien des années et a même été cédée à un nouveau concessionnaire qui a préféré le prêt-à-porter. Certains concessionnaires entravent la réglementation et sous-louent leur commerce tel que soutenu par certaines mauvaises langues qui parlent de sous-location jusqu'à la neuvième main. Certains concessionnaires désabusés ne viennent même plus ou rarement visiter leurs propres magasins confiant la tâche à leurs employés qu'ils ne payent même pas pour certains.
“Le cinéma Cosmos, les salles Alpha et Beta viennent d'être cédés à un nouveau concessionnaire”, a révélé M. Tedjini qui a parlé aussi de la location de tout le matériel audiovisuel pour la chaîne de télévision berbère pour le doublage de ses émissions. Il se trouve que le nouveau concessionnaire n'est autre que le propriétaire de Tonic Emballage qui compte redonner vie à cette salle de cinéma, en plus d'autres projets culturels en attendant des jours meilleurs… pour le plus grand centre des arts de l'Algérie.
N. S.


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