Sous-couvert de lutte contre les groupes terroristes, affiliés à Daech, les autorités égyptiennes ont rasé des dizaines de villages dans le Sinaï, où les civils sont victimes "abus ininterrompus". L'organisation non-gouvernementale de défense des droits de l'Homme, Human Rights Watch (HRW), a révélé dans un nouveau rapport sur l'Egypte de graves violations d'autorité par le Caire contre les civils vivant dans le Sinaï égyptien. "Dans la péninsule du Sinaï, l'armée et la police égyptiennes ont commis des abus graves et généralisés à l'encontre des civils", a déclaré l'ONG, soulignant que ces violations "sont susceptibles de constituer des crimes de guerre". Fruit de deux ans d'enquête, ce rapport de 134 pages révèle le chaos régnant dans cette région, où les groupes terroristes affiliés à l'autoproclamé Etat islamique ont établi leur fief depuis fin 2012. "L'enquête de Human Rights Watch, qui a duré deux ans, documente des crimes tels que les arrestations arbitraires de masse, disparitions forcées, tortures, exécutions extrajudiciaires, ainsi que sur de possibles attaques illégales, aériennes et terrestres, contre des civils", a expliqué l'ONG dans un communiqué, précisant que "la plupart des abus décrits dans le rapport ont été commis par les forces égyptiennes militaires et policières". Intitulé : "Si vous craignez pour vos vies, quittez le Sinaï ! Exactions des forces de sécurité égyptiennes et d'un groupe affilié à l'Etat islamique au Sinaï Nord", le rapport de l'ONG n'épargne pas non plus les groupes terroristes, liés à Daech. "Les miliciens extrémistes ont également perpétré des crimes atroces : ils ont enlevé et torturé des centaines d'habitants, tuant certains d'entre eux, et exécuté de façon extrajudiciaire des membres des forces de sécurité qui étaient leurs prisonniers", expliquent les auteurs du document. Mais "au lieu de protéger les habitants du Sinaï lors de leurs affrontements avec les miliciens, les forces de sécurité égyptiennes ont fait preuve du plus grand mépris envers la vie des habitants, transformant leur vie quotidienne en un cauchemar d'abus ininterrompus", a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. Selon les chiffres officiels, quelque "3 076 miliciens présumés et 1 226 membres de l'armée et de la police ont été tués lors des combats", durant la période s'étalant de janvier 2014 à juin 2018. Mais le Caire n'a jamais communiqué sur la mort de civils. "En se basant sur les déclarations de l'armée et les reportages des médias égyptiens, Human Rights Watch a déduit que les forces militaires et policières du Sinaï Nord avaient arrêté plus de 12 000 habitants entre juillet 2013 et décembre 2018", a indiqué l'ONG, alors que "l'armée (égyptienne, ndlr) a reconnu officiellement environ 7 300 arrestations, mais rarement communiqué les noms des personnes ou les faits qui leur étaient reprochés". "La branche de l'EI dans le Sinaï Nord mérite certainement la condamnation de la communauté internationale, et doit rendre des comptes pour tous ses abus odieux, mais la campagne de l'armée, entachée de violations tout aussi graves, notamment de crimes de guerre, devrait également susciter de vives critiques, et non pas des louanges", a conclu Michael Page. "Les proches alliés de l'Egypte devraient cesser de soutenir une campagne militaire abusive qui a déjà fait des milliers de victimes", a-t-il conclu.