"L'emblème national et le drapeau amazigh flottaient côte à côte, prémices de l'Algérie de demain, celle de la 2e république qui réhabilitera la souveraineté du peuple", dira un jeune manifestant. Comme chaque semaine depuis le 22 février, les Bordjiens et les M'silis se sont de nouveau massivement mobilisés hier pour réclamer le changement de régime. Les manifestants ont défilé non seulement à Bordj Bou-Arréridj, à Ras El-Oued, dans la wilaya de M'sila, mais aussi à Boussaâda. Des foules immenses ont investi les rues et les placettes de ces villes en ce 18e vendredi consécutif pour réclamer le départ de l'ensemble de l'appareil lié au président déchu et insister sur l'unité du pays. À Bordj Bou-Arréridj, malgré les tentatives de division du hirak, par la psychose et la peur, les barrages filtrants aux entrées de la ville, une chaleur de plus de 36° à l'ombre, et des tentatives d'intimidation, les milliers de Bordjiens sont descendus dans la rue, comme chaque vendredi, pour dire "non" à ce pouvoir qui résiste en usant de tous les moyens. "L'emblème national et le drapeau amazigh flottaient côte à côte, comme pour jeter les prémices de l'Algérie de demain, celle de la 2e république qui réhabilitera la souveraineté du peuple", dira Akli, un jeune manifestant de la commune de Djaâfra. Des centaines de pancartes porteuses de slogans démocratiques esquissant la nouvelle Algérie, à l'image de ces drapeaux déployés en grand nombre, témoignent de la détermination et de l'engagement des Algériens à maintenir la pression sur le pouvoir. "Kebayli et Arbi khawa khawa" (Kabyle et Arabe, des frères) ; "Système, dégage", "Le peuple veut la chute du régime", "Djazayer horra dimocratia", "Klitou lebled ya saraquine" ; "Ya lilaâr, Ya lilaâr, polici rajaâ hagar". Ce 18e vendredi de manifestation s'est inscrit sous le signe de la répression et d'une tension palpable. Plusieurs confrontations ont eu lieu dès le début de la marche. Les forces de sécurité, visiblement instruites pour saisir le drapeau amazigh, n'hésitent pas à intervenir de manière musclée pour l'arracher à ses porteurs. Les manifestants jouent au chat et à la souris avec les policiers en tenue ou en civil qui sont à la recherche de ces emblèmes devenus du jour au lendemain interdits. À chaque arrestation ou arrachage du drapeau amazigh, les manifestants crient à tue-tête "Ya lilaâr, ya lilaâr, polici rajaâ hagar" (C'est honteux, c'est honteux, le policier est devenu mafieux) "Imazighen" et "Makach jihawiya, khawa khawa" (pas de régionalisme, solidaires), alors que les forces de sécurité chargent de temps à autre pour saisir les emblèmes et empêcher la constitution d'une foule compacte. Ces tensions sont le résultat de l'application de la consigne du chef d'état-major qui avait déclaré, depuis Béchar, le 19 juin, que seul le drapeau national sera toléré lors des manifestations. "Est-ce qu'il a le droit d'interdire ce que ni la Constitution ni les lois n'ont interdit ?" se demande un manifestant. "Comment prétend-il défendre la Constitution et l'unité en lançant ce genre de division ?", ajoute-t-il. Aussi, les manifestants ont scandé des slogans hostiles à Gaïd Salah qui a donné ces instructions. À M'sila, même l'incarcération des figures parmi les plus emblématiques du système ne semble pas satisfaire les exigences des manifestants qui tiennent à leurs revendications pour une véritable rupture avec un système qui a mené le pays à la crise.