En parlant de dialogue inclusif, Bensalah vise la participation des partis de la coalition qui constituent des piliers majeurs de ce système maffieux tant décrié. Le dépôt de candidature d'Abdelaziz Bouteflika pour un 5e mandat, tout en étant gravement malade, a suscité un mouvement populaire jamais égalé depuis l'indépendance pour s'opposer non seulement à cette candidature mais aussi revendiquer le départ de l'ensemble du système ayant pris en otage l'Algérie depuis 1962 et la mise en place d'une "véritable république".Depuis cette date, la souveraineté n'a jamais appartenu au peuple qui a consenti un énorme sacrifice pour obtenir son indépendance. Les différentes élections, surtout présidentielles, n'ont jamais été transparentes et honnêtes car c'est toujours le candidat du système qui accède à la magistrature suprême, c'est le cas du président Bouteflika qui, dès son arrivée au pouvoir en 1999, n'a pas attendu longtemps pour changer la Constitution lui permettant de s'asseoir sur le trône à vie, malgré son état de santé qui s'est dégradé lors du 3e mandat. Il en découle que la notion de république n'a jamais existé en Algérie, ce n'est qu'avec cette révolution populaire qu'elle le deviendra sûrement. L'histoire retiendra que c'est sous le règne de ce président déchu et du système maffieux et corrompu dont il s'est entouré que l'Algérie a connu le plus de malheurs et de dérives : l'assassinat de 127 jeunes innocents en 2001 dans la région de Kabylie dont les auteurs n'ont jamais été inquiétés ou jugés, les dizaines de morts lors des émeutes interethniques du M'zab durant la période 2013-2015 sans que l'Etat intervienne à temps, les harragas ou émigrés clandestins qui meurent chaque jour noyés en Méditerranée parce que leur pays ne leur offre aucun avenir et préfèrent affronter la mort en mer que d'y rester, la mort du militant des droits de l'homme et de la démocratie Djamel Eddine Fekhar suite à sa détention dans des conditions carcérales inhumaines. Le régime Bouteflika a mis en place un mode de gouvernance où règnent la corruption à grande échelle et la prédation des richesses du pays par des responsables politiques au sommet de l'Etat et des oligarques qui ont cautionné sa politique et financé ses campagnes électorales. Cette mafia politico-financière, au-dessus de la loi, a bâti des empires économiques en un temps record avec la bénédiction du président déchu. Ces affairistes "de tous bords" ont obtenu des marchés de gré à gré et des financements occultes de la part des banques. De ce fait l'embellie financière qu'a connue l'Algérie durant le règne du président déchu n'a pas servi l'économie nationale qui reste toujours tributaire de la rente pétrolière. Aux affaires Khalifa, Sonatrach, autoroute Est-Ouest… dont les ministres responsables (Chakib Khelil et Amar Ghoul) n'ont jamais été jugés, s'ajoutent d'autres affaires de détournement de deniers publics qui apparaissent maintenant avec le "hirak populaire". Du jour au lendemain le peuple algérien, grâce à son soulèvement, découvre de plus en plus l'ampleur de la corruption qui dépasse tout entendement. Les privilégiés du système Bouteflika, ayant obtenu l'attribution des marchés sans le respect de la réglementation en vigueur, sont nombreux à l'exemple des familles Haddad, Kouninef, Tahkout, et la liste est encore longue. Considéré comme classe-objet, selon l'expression de Pierre Bourdieu, ce peuple longtemps martyrisé s'est soulevé comme un seul homme pour dire non à la reconduction d'un président qui présente des handicaps physique et mental et au maintien de tout le système qui l'entoure composé d'un conglomérat de partis politiques comme le FLN, le RND, le MPA et TAJ, d'organisations syndicales comme l'UGTA, l'UNPA, l'UNFA… et d'hommes d'affaires véreux. Le dialogue inclusif vise à maintenir le système Cette révolte populaire, qui s'est généralisée à l'ensemble du territoire national avec la participation de millions de personnes tous sexes et tous âges confondus, a atteint 2 objectifs importants : le départ d'Abdelaziz Bouteflika et l'annulation de l'élection présidentielle prévue le 4 juillet 2019. L'autre revendication, la plus déterminante pour la suite des événements, le départ du président de l'Etat, Abdelkader Bensalah et du gouvernement de Bedoui rencontre une résistance de la part du pouvoir actuel, comme il en ressort dans les discours de Bensalah. Ce dernier à travers sa déclaration du 6 juin annonce au peuple algérien qu'il reste à son poste jusqu'aux prochaines élections et propose un dialogue national inclusif, ce qui va à l'encontre des revendications des masses populaires qui exigent son départ à chaque manifestation du vendredi. À travers ce discours, son objectif est de maintenir le système actuel, car en parlant de dialogue inclusif, il vise la participation des partis de la coalition qui constituent des piliers majeurs de ce système maffieux tant décrié. Ces partis qui le soutiennent dans sa démarche relative à son maintien et à l'organisation des prochaines élections veulent garder leurs privilèges même après le départ de Bouteflika. Le peuple algérien n'est pas dupe car il sait très bien que le changement ne viendra pas des hommes ayant fait partie du système et qui ont trahi la mémoire de nos valeureux chouhadas, mais des hommes intègres, démocrates, qui aiment leur pays et qui font référence au projet de société tracé par le FLN de Ramdane Abane, Mustapha Ben Boulaïd, Larbi Ben M'hidi, Mohamed Boudiaf, Mourad Didouche, Hocine Aït-Ahmed, etc. Ce sont ces hommes qui ont créé le FLN et non pas Dieu qui l'a envoyé pour répondre à Djamal Ould Abbès qui a dit : "Nous n'avons pas créé le FLN, Dieu nous l'a envoyé." Le pouvoir actuel que le peuple rejette ne veut pas abdiquer, pour se maintenir il mène une campagne de propagande à travers les plateaux de télévisions, surtout publiques. Les débats organisés sur ces derniers, à travers le choix orienté des invités, tendent à délivrer des messages qui s'inscrivent en faux par rapport aux revendications du mouvement populaire, l'objectif inavoué étant le maintien du système en place contre la volonté populaire. Il est malheureux de constater que la notion "d'intellectuels de service" prend tout son sens dans ce contexte de manipulation. Cette révolution populaire a fait bouger la justice algérienne qui pour une fois semble ne pas obéir aux ordres des forces extra-constitutionnelles en incarcérant ceux qui ont bâti des fortunes colossales par la corruption et la dilapidation des deniers publics. Espérons bien que le jugement de ces derniers n'est pas de la "poudre aux yeux" pour calmer le peuple et lui faire oublier sa principale revendication, à savoir le départ de l'ensemble du système dévorant mis en place par Bouteflika pendant 20 ans de règne. Changer le système, c'est aussi dissoudre l'APN et le Conseil de la nation Ce système, pour asseoir sa domination, contrôle les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif. La justice n'est jamais indépendante, elle obéit aux ordres de ceux qui détiennent le pouvoir et l'argent, la composante humaine de l'Assemblée populaire nationale (APN) et du Sénat nous renseigne bien que ce sont les partis et les personnes affiliés au pouvoir qui sont les plus représentés : 96% des sénateurs appartiennent aux FLN, RND et tiers présidentiel ; près de 70% des députés appartiennent au clan du président. Demander le changement du système, c'est aussi la dissolution de ces 2 chambres parlementaires budgétivores qui ont toujours apporté leur soutien à la politique gouvernementale et jamais dénoncé la corruption, alors qu'elles sont censées défendre les intérêts du peuple. Avec cette révolte ininterrompue des masses populaires, surtout les jeunes, l'espoir est permis de construire un Etat de droit, républicain, démocratique et moderne à partir d'élections libres et honnêtes et d'une justice indépendante. Pour ce faire, il faut barrer la route aux partis de la coalition qui, à travers leurs déclarations, veulent revenir aux commandes du pays. Leur soutien chaque fois aux propositions de sortie de crise émanant du président de l'Etat et du vice-ministre, chef d'état-major de l'ANP le démontre clairement.
H. D. / D. S. (*) Enseignants-chercheurs à l'université Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou N. B. : Les intertitres sont de la rédaction