Après avoir obtenu la confiance à son gouvernement par le Parlement samedi, le Premier ministre libanais Siniora s'est rendu, hier, en Syrie en vue de normaliser les relations avec son voisin, bouté hors du Liban il y a tout juste deux mois. Les relations entre les deux pays traversent une grave crise et les comptes entre eux sont loin d'être soldés, même si l'armée et les services syriens ont plié bagage du Liban et que leurs sous-traitants libanais se sont vu contraints de tirer leur révérence devant le puissant courant nationaliste que la tragique disparition de Hariri a ressoudé. Siniora devait passer en revue avec Bachar Al-Assad le lourd dossier libano-syrien, alors que l'assassinat de Hariri n'a toujours pas été élucidé. Après la suspicion et l'animosité, les nouveaux dirigeants du Liban semblent faire preuve de pragmatisme avec un voisin encombrant mais sur lequel ils ne peuvent pas faire l'impasse. Sur la route de Damas, Siniora a pu voir les files de plus de mille camions bloqués à la frontière en raison du blocus imposé par la Syrie. Siniora n'a pas manqué d'annoncer à ses hôtes vouloir établir avec Damas des relations basées sur le respect mutuel et l'égalité, dans un esprit de coopération, de solidarité et du sentiment de l'arabité. Les relations, notamment commerciales, entre les deux pays se sont tendues après le retrait fin avril des troupes syriennes présentes au Liban depuis 1976, sous la pression internationale et de la rue libanaise après l'assassinat le 14 février de l'ex-Premier ministre libanais Rafik Hariri. L'opposition libanaise anti-syrienne a imputé au régime de Damas, en sa qualité de pouvoir de tutelle, la responsabilité de cet attentat. Cette accusation est sans preuves formelles et la commission d'enquête onusienne a tout l'air de patauger. La Syrie, dont le retrait est beaucoup plus conséquent aux vastes pressions américano-françaises, a sorti pour son hôte un dossier qui n'avait jamais été évoqué dans le passé : des requêtes de familles de 795 Syriens portés disparus au Liban. Selon Al Baâth de Damas, les familles de ces disparus réclament la lumière et des compensations à propos de leurs proches kidnappés par des milices libanaises durant la guerre civile au Liban entre 1975 et 1990. Les députés libanais ont, pour leur part, invité, lors du vote de confiance, Siniora à éclaircir le sort de centaines de Libanais portés disparus ou emprisonnés en Syrie. Des deux côtés on plaide pour des relations exemplaires mais les rancunes demeurent tenaces et les Américains ne voient certainement pas d'un bon œil cette normalisation que la Syrie pourrait exploiter pour sortir de l'isolement qui lui est imposé par Bush. D. Bouatta