Le président de l'Etat par intérim a, dans sa dernière offre de dialogue, marqué un recul en faisant ce qui s'apparente, à première vue, à une grande concession pour la classe politique qu'il invite à gérer seule le processus devant aboutir à l'élection présidentielle. M. Bensalah écarte ainsi et la Présidence et l'ANP, appelées, selon son discours, à jouer le simple rôle de facilitateur et de fournisseur de logistique. Mais tel qu'énoncé, il ne s'agit pas de concession, mais plutôt d'un recul tactique qui vise à tenir à l'écart, et donc à préserver, la Présidence, quoique contestée, et surtout l'état-major de l'ANP, avec tout le poids qu'elle représente dans la scène politique. Et le dialogue se résumerait finalement à des discussions entre formations politiques qui, déjà, sont dans le processus, même si elles se sont scindées en deux blocs. La démarche proposée par Bensalah s'avère d'emblée biaisée tant elle tend à mettre à "l'abri" le principal interlocuteur des partis politiques, le véritable détenteur du pouvoir, ne donnant ainsi aucune chance au changement réclamé par le mouvement populaire. Les partis pourraient bien, à travers la concertation, et non à travers un dialogue comme le prétend le chef de l'Etat par intérim, arriver à un consensus, et amorcer le processus électoral contrôlé du début jusqu'à la fin, mais n'auront-ils, en définitive, entre les mains que des cartes "secondaires", tant ils n'auraient, suivant cette optique, pas abordé dans le fond la question de changement de système ? D'où le scepticisme et les réserves, légitimes, de certaines personnalités et acteurs politiques sur l'offre de Bensalah. Et si ce dernier ne peut être, vu sa fragile posture, "un interlocuteur valable", l'état-major de l'ANP l'est certainement, étant donné que c'est son premier responsable, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, qui a justifié l'incursion de l'ANP dans le champ politique par l'effondrement de toutes les institutions de l'Etat ; ce qui est, par ailleurs, une évidence en raison de leur état de déliquescence, hormis l'armée nationale. Aussi s'est-il engagé à accompagner le mouvement populaire pour le changement tout en reconnaissant la légitimité de ses revendications. Et donc partenaire dans la marche pour le changement, ce qui le met naturellement dans la position d'interlocuteur parce que et surtout l'ANP demeure la seule institution encore debout. Et comme le dialogue est un face-à-face, c'est tout aussi naturellement que des acteurs politiques réclament que l'ANP y soit représentée. Un rôle de partenaire qu'elle est appelée à jouer, comme l'a affirmé le militant politique, Djamel Zenati, qui considère que l'on doit dialoguer avec l'ANP qui détient le pouvoir réel, particulièrement en cette période où toutes les autres institutions ont perdu en légitimité. C'était, il y a quelques mois. Un avis partagé par Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, qui l'a, encore une fois, réitéré avant-hier à l'occasion du forum pour un dialogue national organisé par "les Forces du changement", considérant que sans représentation de l'ANP, il n'y a pas de dialogue. Et c'est parce que l'ANP peut représenter, dans la conjoncture actuelle, l'Etat, d'autant plus qu'elle a activement participé à la mise à l'écart de figures du bouteflikisme. C'est en ce sens que l'ANP est sollicitée pour "négocier" avec la classe politique et la société civile pour amorcer le changement de système, qui est, par ailleurs, partagé par tous.