Encore une fois, les citoyens n'ont pas pu manifester dans les artères de la ville des Genêts. Pourtant, ils étaient nombreux à avoir répondu à l'appel du mouvement citoyen afin d'exiger la libération des détenus. La ville de Tizi Ouzou et ses alentours ont ainsi été replongés, hier, dans des affrontements entre population et CNS, suscités par l'intervention de ces derniers pour disperser une foule nombreuse, malgré l'installation, très tôt dans la matinée, de barrages “antiémeutes” dans les principaux axes routiers menant au chef-lieu de la wilaya où était prévue une grande marche populaire pour exiger la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus du mouvement citoyen, dont Abrika et ses compagnons qui étaient, hier, au 41e jour de la grève de la faim illimitée. Systématiquement, tous les bus ou fourgons transportant des citoyens voulant se rendre à la manifestation ont été renvoyés, certains chauffeurs se sont vu confisquer les papiers, comme ce fut le cas pour un propriétaire de fourgon à Bouzeguène. Des affrontements ont aussitôt éclaté au niveau des routes bloquées, à hauteur de l'Habitat (route menant vers Béni Douala), du carrefour de Tigzirt et à Oued-Aïssi (RN 12). Au quartier les Genêts, les locataires se sont préparés à la manifestaiton à leur manière. Sur un grand bâtiment était suspendu un drapeau noir géant sur lequel était dessiné le portrait de Belaïd Abrika ainsi que les slogans : “Assa Azekka, Abrika yella yella, Ulac smah ulac”, “Ils peuvent me tuer, mais ils ne me feront jamais taire”, “Gloire à nos martyrs” et enfin : “Le combat continue… jusqu'à la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur”. Pas loin, à hauteur du stade du 1er-Novembre, un autre impressionnant dispositif attendait tranquillement les instructions de sa hiérarchie. Il est 10h30, la foule commence à se rassembler. Des organisateurs forment un cordon de sécurité pour empêcher les jeunes manifestants, impatients, de répondre aux provocations de la police. Un chasse-neige sera acculé vers le rond-point, près de l'ex-brigade de gendarmerie, ce n'était qu'une “stratégie” de la police, car arrivé à cet endroit précis, les bombes lacrymogènes suivies de balles en caoutchouc commenceront à fuser des deux côtés, prenant ainsi en sandwich les marcheurs qui avaient pourtant pour seul but de manifester pacifiquement. Pour preuve, le nombre de parents de victimes, femmes et enfants en bas âge qui étaient dans la foule. Les CNS, sans distinction aucune, commenceront à tirer des bombes lacrymogènes et des balles en caoutchouc directement sur la foule et à bout pourtant. Ils passeront à tabac des marcheurs. L'un sera blessé à coups de baïonnette et recevra plusieurs points de suture à la tête, un autre à coup de barre de fer, un troisième sera même hospitalisé (au même titre que le premier), il a reçu une balle en caoutchouc près de la colonne vertébrale et devait subir une intervention chirurgicale dans la soirée. D'autres, en revanche, touchés par des capsules de gaz lacrymogène, en sont sortis avec de légères plaies qui ne nécessitaient pas d'hospitalisation. De violents affrontements ont ainsi été déclenchés, notamment au quartier des Genêts et même ailleurs où des barricades ont été installées par des jeunes manifestants. Un groupe de marcheurs a tout de même réussi à atteindre la maison d'arrêt de Tizi Ouzou, qui était déjà barricadée par un dispositif antiémeutes. “Assa azekka, Abrika yella yella” était le principal slogan scandé. De nombreuses interpellations par des CNS et des éléments de la BMPJ ont été enregistrées avant et pendant les émeutes. Notons enfin que malgré l'appel de la CADC qui ne contenait pas l'appel à la grève générale, mais au jour férié, les commerçants étaient nombreux à avoir baissé rideau hier. K. S. Il aura lieu mercredi à Alger Meeting du RCD, de l'ANR, du MDS et du CCDR Le RCD, le MDS, l'ANR et le CCDR animeront conjointement, mercredi prochain, à 16h30 à la salle Afrique d'Alger un meeting populaire pour “exiger la libération immédiate et sans condition des détenus du mouvement citoyen” et aussi débattre des “perspectives attendues par la nation”. Cette sortie vient dans un contexte qui voit “l'Algérie démocratique et sociale, telle qu'annoncée le 1er Novembre 1954 et définie par le Congrès de La Soummam, menacée par les collusions obscures et les répressions qui ciblent les forces de progrès”, lit-on dans un communiqué parvenu à notre rédaction. Le même communiqué ajoute que “le traitement cynique par le pouvoir de la grève de la faim des détenus du mouvement citoyen de Kabylie risque de provoquer l'irréparable”, et que “le pouvoir (...) expose la nation aux dangers les plus graves”. Les initiateurs de cette action estiment que “les forces patriotiques qui ont sauvé l'Algérie sont, une fois de plus, appelées à se mobiliser dans l'urgence”. Notons que Saïd Sadi, El-Hachemi Cherif, Rédha Malek et Abdelhak Bererhi seront les principaux animateurs du meeting. R. N.