Le nombre de détenus d'opinion s'élève à plus d'une trentaine dont 16 dossiers en appel seront examinés par la chambre d'accusation le 17 de ce mois. La mobilisation de plus d'une centaine d'avocats, de plusieurs chefs de partis politiques et de militants de démocratie et des droits de l'Homme, n'a pas suffi, hier, aux juges de la chambre d'accusation près la cour d'Alger à remettre en liberté les 14 détenus d'opinion dont le moudjahid Lakhdar Bouregâa. La chambre d'accusation, qui a rendu son délibéré en fin de journée, a décidé le maintien sous mandat de dépôt de l'ensemble des détenus. Pour avoir exprimé son opinion hostile aux tenants du pouvoir, Lakhdar Bouregâa est poursuivi pour "outrage à corps constitués", l'armée en l'occurrence, et pour "avoir participé à affaiblir le moral des troupes de l'ANP", tandis que les 13 autres prévenus sont accusés "d'atteinte à l'unité nationale", en vertu de l'article 79 du code pénal. Leur seul tort, avoir exhibé l'emblème amazigh lors des manifestations des derniers vendredis. Ce qu'aucune loi n'interdit pourtant. Conscient du sort qui allait être réservé par la justice à ses mandants, même en l'absence d'arguments juridiques, sachant que 5 autres dossiers similaires avaient été déjà rejetés, dimanche dernier, le collectif d'avocats a décidé, cette fois-ci, de "boycotter" la plaidoirie pour "ne pas donner de crédit à une justice qui n'en a pas et agissant sur ordres venus d'en haut". "Aujourd'hui, il ne sert à rien de plaider devant des juges qui obéissent à des ordres reçus par téléphone. Si nous acceptons de plaider, nous allons participer au mensonge de faire croire qu'il existe une justice. Or, aujourd'hui il n'y a point de justice indépendante. Les juges exécutent des ordres reçus par téléphone plutôt que d'entendre les plaidoiries de la défense et d'appliquer la loi. Donc, comme ils ont décidé de mettre en prison des citoyens innocents suite à un coup de téléphone qu'ils ont reçu, ils n'accepteront de les libérer que s'ils en reçoivent un autre", a regretté Me Bouchachi justifiant devant ses confrères la raison du boycott. "Justice aux ordres" Une position de principe que l'ensemble des avocats a adoptée, à l'unanimité, pour quitter aussitôt la salle et rejoindre le rassemblement tenu à l'extérieur, par des chefs de partis politiques et militants de la démocratie et de droits de l'Homme. Parmi les présents, il y avait entre autres, le président du RCD, Mohcine Belabbas et des membres de la direction du parti, le coordinateur de l'instance présidentielle du FFS, les députés et membres de la direction du PT, Nadia Chouitem et Ramdane Taâzibt, ou encore le président de l'association RAJ, Abdelouahab Fersaoui. Dans leur réaction, les représentants de l'opposition sont unanimes à dénoncer des arrestations "arbitraires préméditées par le pouvoir dans le but de terroriser le peuple et casser la révolution pacifique". "La détention de manifestants pacifiques pour port de l'emblème amazigh relève de l'arbitraire. C'est une violation des lois de la République et une humiliation de la justice", a dénoncé Mohcine Belabbas. Même son de cloche chez Ramdane Taâzibt qui dénonce "des dépassements contre les libertés politiques". Pour leur part, les avocats estiment que la détention préventive réservée aux manifestants et au moudjahid Lakhdar Bouregâa est "infondée". "Les manifestants arrêtés pour port de l'emblème amazigh et le moudjahid Bouregâa pour avoir exprimé son opinion, ont tous été détenus sur décision politique. Leur libération dépend donc, également d'une décision politique que nous espérons voir venir de la part des décideurs. Car, sur le plan juridique, rien ne justifie leur détention", a commenté Me Nordine Benissad, président de la Laddh, non sans dénoncer une justice "aux ordres". À signaler que le nombre de détenus d'opinion s'élève à plus d'une trentaine dont 16 dossiers en appel seront examinés par la chambre d'accusation le 17 de ce mois.