Après quelques semaines de repli, les avocats ont renoué, jeudi, avec la contestation de rue. Ils ont marché à Alger pour la libération des détenus d'opinion et en soutien à la révolution citoyenne. L'avant-veille, l'Union nationale des bâtonnats a annoncé que les robes noires dédieront la journée du jeudi 11 juillet à des actions de soutien à la révolution citoyenne et en faveur de la libération des détenus d'opinion, arrêtés lors des marches du vendredi. Tôt dans la matinée, les avocats, revêtus de leurs toges, ont commencé à se regrouper devant le désormais emblématique tribunal de Sidi M'hamed. Un dispositif sécuritaire encadrait, évidemment, la bâtisse. Vers 10h, des centaines de jeunes juristes mais aussi des anciens du barreau, tels que Me Aouicha Bekhti, Me Mokrane Aït Larbi, Me Mustapha Bouchachi, Me Nourredine Benissad, ont constitué une masse importante de contestataires. La procession a entamé sa progression sur la rue Asselah-Hocine. Mais elle a été stoppée, dans son élan, par une barrière infranchissable de cordon de police. Des policiers ont arraché, d'ailleurs, des mains des avocats, des pancartes estampillées à l'effigie berbère. Quelques altercations ont éclaté, mais vite calmées avec des "Silmiya, silmiya" et "Non à la répression" opposés aux agents de police. Les manifestants ont changé alors d'itinéraire, mettant le cap sur la place Port-Saïd puis sur l'avenue Zighoud-Youcef. Tout au long de leur marche, ils ont exigé l'affranchissement des magistrats de la tutelle des pouvoirs en place, la libération des détenus politiques et d'opinion, avec motion spéciale à l'ancien maquisard Lakhdar Bouregâa, 86 ans en détention provisoire depuis le 30 juin dernier pour, selon les chefs d'inculpation retenus contre lui, "outrage à corps constitués et atteinte au moral de l'armée". Ils ont également et clairement exprimé leur solidarité avec Me Salah Dabouz, en grève de la faim pour protester contre l'obligation de se présenter trois fois par semaine au tribunal de Ghardaïa dans le cadre de son contrôle judiciaire. Les manifestants ont scandé leurs slogans qu'ils ont portés aussi sur des pancartes aux couleurs de l'emblème national : "Non à la répression" ; "Liberté" (générique décliné en arabe et en tamazight) ; "Non à l'instrumentalisation et à l'opacité d'une justice sur mesure" ; "Libérez tous les détenus d'opinion" ; "Avocat s'engage, système dégage" ; "Vous avez le tribunal d'Alger, nous avons le tribunal de l'histoire", etc. Arrivés devant le Palais Zighoud-Youcef, abritant l'Assemblée nationale, les avocats ont marqué une halte. Face à l'imposant édifice, ils ont scandé en chœur : "Klitou leblad ya sarrakine" (vous avez pillé le pays, bande de voleurs). Ils ont, ensuite, repris une revendication phare des marcheurs du vendredi : "Dawla madania, machi âskaria" (Etat civil et non militaire). L'expression publique a pris, cette fois-ci, une dimension particulière, puisque elle s'est apparentée à un défi lancé au général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, qui avait qualifié, la veille, les manifestants qui ont adopté ce slogan d'être devenus "des outils manipulables, voire dangereux (…) de cercles qui vouent une haine inavouée envers l'Armée nationale populaire". Le même jour, les avocats ont boycotté, à l'échelle nationale, les audiences dans les tribunaux et dans les cours.