Les mises en garde adressées au peuple par le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, dans son dernier discours, sont restées sans écho à Tizi Ouzou. La couleur a été annoncée dès le début de la manifestation devant l'entrée du campus Hesnaoua, où il n'était pas encore 13h lorsque les manifestants, rassemblés sur place, commençaient déjà à scander "Daoula Abania", "Daoula madania matchi âaskaria". Un slogan repris, ensuite, en chœur et avec beaucoup d'acharnement dans tous les carrés qui formaient la marche d'hier. À 13h30, la marche s'ébranle pour arpenter la montée du stade du 1er-Novembre. La chaleur était suffocante, mais elle n'a pas empêché l'habituel grand déferlement humain sur la ville des Genêts. Elle n'a pas empêché non plus la foule de scander à tue-tête, et surtout avec beaucoup de détermination, les slogans habituels réclamant un changement radical du système. "Libérez l'Algérie", "Libérez la justice", "Ça y est, c'est bon, chaâb président", "Noukni nenad atsrouhem", "Enehou el issaba newliw labes", "Chaâb yourid tetnehaw gaâ", "La hiwar, la chiwar, erahil obligatoire", "Libérez les détenus", "El mada 7, soulta li chaâb", "Gaïd Salah dégage", scandait-on dans les différents carrés où l'étendard amazigh et le drapeau national, géants pour certains d'entre eux, sont brandis par centaines. Après le silence habituel observé en arrivant devant le CHU Nedir-Mohamed, les manifestants reprennent de plus belle en scandant cette fois au nez des policiers en faction devant la première sûreté urbaine : "Hawlik lâalam arwah edih". Sur le boulevard Abane-Ramdane, la foule est tellement dense que les carrés ont du mal à avancer. Impossible de se frayer un chemin, même sur les trottoirs. Toute la Grande-Rue était noire de monde. Fort heureusement, du haut des immeubles et des trémies, des habitants arrosaient la foule à l'aide de tuyaux directement branchés aux robinets ou de bouteilles, permettant ainsi aux manifestants de se rafraîchir. En première ligne comme au milieu des carrés, des banderoles et des pancartes délivrent autant d'anciens que de nouveaux messages politiques. "Si l'armée n'a pas d'ambition, alors pourquoi imposer une dictature militaire ?" lit-on sur l'une d'elles. "La Constitution derrière nous, Gaïd Salah devant nous, où est la solution ?" s'interroge-t-on dans une autre. "Gouverneurs : vous êtes hors Constitution, alors dégagez", "Comment instaurer un Etat de droit sans vous messieurs les juges ?", "De Tizi à Tamanrasset, de Tlemcen à Tébessa, on fait le serment que vive l'Algérie", "La solution est la véritable démocratie", lit-on encore sur d'autres.