L'ex-capitaine des Verts des années 80 estime que les Algériens ont 60% de chances de gagner la coupe d'Afrique. Liberté : Franchement, Fergani, est-ce que vous vous attendiez à ce que l'équipe nationale atteigne la finale de la Coupe d'Afrique des nations ? Ali Fergani : Franchement, je vous mentirai si je vous disais que je m'attendais à ce que l'EN aille aussi loin dans cette CAN. Il ne faut pas oublier que cette équipe est passée par des moments très difficiles ces dernières années, ce qui rendait aléatoire une telle prédiction. En revanche, le coach national Djamel Belmadi l'avait prédit, il a toujours dit qu'il allait en Egypte pour tenter de gagner le trophée. Nous voyons bien là qu'il ne rigolait pas puisqu'il est désormais à une marche du sacre. Nous lui souhaitons la réussite en finale, il le mérite, tout comme son équipe, qui a été une véritable révélation dans cette CAN. Une belle surprise aussi pour les Algériens. Comment analysez-vous justement le parcours de la sélection algérienne ? Nous voyons bien qu'au fil des matches, la sélection algérienne a pris de la confiance. Elle se bonifie et prend de l'assurance. Belmadi a fait un gros travail tactique en présentant une équipe équilibrée, solide dans son système défensif et très alerte en attaque. Les statistiques sont là pour le prouver puisque les Algériens n'ont encaissé que deux buts en 6 matches disputés et marqué 12 buts. C'est impressionnant pour une formation qui joue une phase finale de la CAN. Belmadi a réussi notamment à régler le problème récurrent de l'EN dans l'axe de la défense en faisant confiance au duo Belamri-Mandi. Au milieu, il a apporté une certaine stabilité à l'équipe avec le trio Guedioura, Bennacer et Feghouli, et en attaque il a compté sur la vivacité de Mahrez, Bounedjah et Belaïli. Ce sont là ses propres choix qui se sont avérés justes. Le mérite lui revient du coup bien sûr dans ce parcours. En outre, Belmadi, à travers son discours, a réussi a rallier le groupe à ses ambitions. Les joueurs ont compris qu'ils pouvaient se transcender et oublier les échecs du passé. Il a semé un état d'esprit très positif et imposé un respect mutuel. Le fait qu'il ait acquis une certains expérience au Qatar et qu'il soit jeune a beaucoup contribué à cette perspective. Comment analysez-vous cette équipe du Sénégal ? Sincèrement, je pense que cette équipe sénégalaise a été surestimée avant cette CAN. Les observateurs en ont fait l'un des favoris dans cette complétion mais sur le terrain nous avons bien vu qu'elle recèle des insuffisances. Le groupe a reculé depuis le Mondial 2018, c'est certain. Lors du premier match, dans la phase des poules, le Sénégal a perdu à la régulière contre l'Algérie. Nous avons dominé ce match maîtrisé tactiquement. En demi-finale contre la Tunisie, les Sénégalais ne m'ont pas convaincu. Je pense que la Tunisie a perdu une belle occasion de jouer une finale de coupe d'Afrique contre l'Algérie. Cela aurait été fabuleux pour les deux pays voisins. Vous pensez que le Sénégal sera tout aussi à la portée des Verts en finale ? Attention, là les données vont changer ! Désormais, l'adversaire sait à quoi s'en tenir contre l'Algérie. Il nous a bien étudié. Je ne pense pas qu'Aliou Cissé va jouer de la même façon. Il va changer de stratégie et nous attendre comme on l'a fait lors du premier match. Ça sera une grande bataille tactique entre deux entraîneurs qui se connaissent très bien. Donc, il faudra se montrer prudents et patients. Ne pas se livrer et se mettre en danger. Cependant, je pense que nous avons les moyens d'imposer notre jeu et nous montrer dangereux. Pour moi, l'Algérie est la favorite dans cette finale. Elle a 60% de gagner la coupe contre 40% pour le Sénégal. En 1980, au Nigeria, vous avez disputé la première finale de la CAN de l'Algérie. Racontez-nous un peu... Nous revenions dans une phase finale de la CAN, 12 ans après notre première participation en 1968. Vous imaginez donc l'attente des Algériens dans cette compétition. Mais nous n'avions pas déçu. Nous avons atteint la finale avec panache avec un groupe de joueurs talentueux qui allait deux ans plus tard faire sensation en Coupe du monde en Espagne. Cependant, il faut préciser que les conditions au Nigeria étaient difficiles pour nous en finale. Nous affrontions le pays hôte sous une chaleur suffocante et un arbitrage partial. La veille, le ministre de la Jeunesse et des Sports de l'époque, Réda Houhou, est venu nous voir à l'hôtel pour nous dire déjà que notre mission était accomplie. Il savait que le Nigeria voulait absolument le sacre et qu'il allait tout faire pour arriver à ses fins. Il nous avait préparés en quelque sorte à la défaite. Ce qui fait que nous sommes rentrés sur le terrain avec ce sentiment qu'on ne pouvait pas faire grand-chose contre tout un pays. Je me rappelle que nous avons tout de même essayé, nous avions une belle équipe. Alors que nous étions mené 1-0, le regretté Benmiloud avait l'occasion d'égaliser, son essai heurte néanmoins la transversale. Nous leur avons fait peur tout de même mais après nous avons craqué en encaissant deux autres buts. C'était impossible de réaliser quelque chose dans des conditions similaires. Une année plus tard, nous sommes repartis au Nigeria et nous l'avons battu lors du dernier tour des éliminatoires du Mondial 82. Nous avions prouvé que nous méritions le sacre à Lagos. Mais que voulez-vous, c'est l'Afrique. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas ; l'Algérie affronte le Sénégal dans un pays neutre. Point de pression et pas d'arbitrage à un seul sens. Je pense que nous avons une occasion historique de gagner un second trophée africain qui couronnerait tout le travail qui a été effectué depuis des années et qui viendrait s'ajouter à une qualification historique au second tour du Mondial. Vous étiez le capitaine de l'équipe nationale, est-ce vous pensez que Mahrez remplit bien ce rôle ? Vous savez, Mahrez ne parle pas beaucoup. Ce n'est pas gueulard pour ainsi dire ou un moralisateur, mais c'est un joueur tellement talentueux, tellement décisif que les joueurs le prennent comme exemple. Sans donner donc de la voix peut-être, il montre très bien la voie. Contre le Nigeria, il a tout fait. Il a assumé ses responsabilités de leader du groupe. C'est donc un capitaine légitime. Une dernière question, Fergani, les anciens joueurs n'ont pas été invités par la FAF à cette CAN. Pas même les représentants de l'association des anciens joueurs que vous présidez. Vous en pensez quoi en fait ? C'est dommage, ce sont là des oublis qui font mal.