La demande de mise en liberté provisoire de seize manifestants, dont Samira Messouci, élue APW du RCD, a été rejetée par la chambre d'accusation de la cour d'Alger. Des dizaines de citoyens, de militants politiques, de personnalités nationales et des députés RCD ont organisé, hier devant la cour d'Alger, un rassemblement de solidarité avec les détenus d'opinion. Dans le même temps, la chambre d'accusation examinait l'appel au mandat de dépôt, introduit par la défense de seize manifestants dont l'élue APW du RCD à Tizi Ouzou, Samira Messouci. Les jeunes gens sont accusés d'atteinte à l'unité nationale pour avoir brandi la bannière amazighe, porté des pin's estampillés au symbole identitaire berbère ou simplement arboré des pancartes avec des slogans dénonçant l'emprisonnement arbitraire de citoyens. Les avocats ont décidé, encore une fois, de boycotter l'audience afin de ne pas donner de crédit à des poursuites judiciaires sans référents juridiques. "Nous avons plaidé lors de la première audience. En fin de journée, la chambre d'accusation a confirmé la décision du juge d'instruction de mettre les manifestants en détention préventive. Nous avons compris que c'était une affaire politique. Nous déplorons que des jeunes soient détenus dans un centre pénitentiaire juste pour avoir exprimé une identité et une opinion dans une marche pacifique (…) Je suis triste que l'Algérie soit en voie d'être classée parmi les pays liberticides", a affirmé Me Seddik Mouhous. Sa consœur Fetta Sadat a relevé que certains citoyens ont été arrêtés pour des pancartes : "Il ne faut pas faire l'amalgame. Tous les manifestants ne sont pas détenus pour avoir porté l'emblème amazigh." Boycottant les salles d'audience, les robes noires ont rejoint, dans la rue, le contingent des contestataires. Le rassemblement, encadré par un dispositif sécuritaire plutôt léger, a démarré effectivement vers 10h. "Libérez les détenus", ont aussitôt revendiqué les manifestants, en portant les portraits des jeunes "hirakistes" incarcérés. Deux officiers de police se sont approchés alors d'Amina Messouci pour lui arracher des mains une banderole sur laquelle apparaissaient la photo de sa sœur Samira et celle de Billal Bacha, avec en arrière-plan l'étendard amazigh. Des militants l'ont entourée rapidement en criant "Silmya silmya" et "quelle honte, les policiers sont devenus des despotes". Habilement, ils sont parvenus à faire reculer les deux officiers de la Sûreté nationale. L'un d'eux s'est emparé de son talkie-walkie pour signaler la manifestante, qui lui aurait donné, selon ses dires, un coup de pied. Des accusations récusées immédiatement par des témoins de la scène. Des avocates se sont ingéniées à apaiser les esprits et éviter de nouvelles arrestations. "Le drapeau amazigh est interdit", a répété plusieurs fois le policier, comme pour justifier son incursion intempestive dans la foule. Ses collègues en civil ont, néanmoins, confisqué, par la force, l'objet du "délit". Le rassemblement s'est poursuivi jusque vers midi, sans autre incident. Ali Laskri, membre du présidium du FFS, Fethi Gherras, secrétaire général du MDS, Abdeslem Ali Rachedi, ancien député, Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh) et les députés RCD Athmane Mazouz, Yassine Aïssiouane, Me Fetta Sadat et Leïla Hadj Arab ainsi que des cadres du parti se sont mobilisés pour demander la relaxe sans condition des détenus d'opinion. Ils sont une quarantaine à croupir dans les cellules de la prison d'El-Harrach depuis que le chef d'état-major de l'ANP a décrété, dans un discours, l'interdiction de l'oriflamme amazighe dans l'expression publique de la révolution citoyenne. Me Loumis Ourida nous a déclaré que le collectif de défense, constitué spontanément, collationne les informations pour avoir un chiffre précis sur les personnes placées sous mandat de dépôt ou sous contrôle judiciaire. En fin de journée, la chambre d'accusation près la cour d'Alger a confirmé la détention préventive contre les seize manifestants. Souhila Hammadi