La mobilisation contre les arrestations «arbitraires» pour port des drapeaux amazigh, palestinien ou même national se multiplient : à Alger, devant le tribunal de Sidi M'hamed, et à Skikda où un rassemblement de solidarité avec l'activiste Messaoud Leftissi, incarcéré à El Harrach, a été dispersé par la police. Plusieurs citoyens ont été interpellés lors de la marche du vendredi. Si certains ont été libérés dans la journée, d'autres ont été placés en garde-à-vue. Ils seront présentés aujourd'hui devant le procureur de la République. La Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) a dénoncé des «pratiques dangereuses» et une «répression injustifiée et choquante». «Les abus de la confiscation des emblèmes amazigh, palestinien et même national sont des pratiques dangereuses qui risquent d'attenter à l'unité nationale», met en garde Saïd Salhi, vice-président de la LADDH, dans un communiqué rendu public hier. Pour le militant, au moment où l'opinion attend des signaux forts d'apaisement, le pouvoir privilégie «la solution de la force et la répression contre le peuple pacifique, qui a montré beaucoup de retenue et de responsabilité». La répression qui s'est abattue sur les marcheurs à travers le pays n'a pas épargné un parti politique légal, le RCD, qui a vu ses militants pourchassés et certains conduits dans les commissariats de la capitale et placés en garde-à-vue. Très tôt dans la matinée de vendredi, un important dispositif policier a encerclé le siège régional d'Alger du parti présidé par Mohcine Belabbas, rue Didouche Mourad, pour le deuxième vendredi de suite. «L'objectif était clair : nous intimider. J'ai senti que pour ce dernier vendredi, il allait y avoir un dérapage. En effet, le matin, des policiers en civil ont interpellé 13 de nos militants, dont M. Ouali, que j'ai retrouvé plus tard à Tessala El Merdja. Alger est devenu une zone interdite, avec tout ce dispositif de sécurité, presque militaire. Un jeune a même été arrêté par la gendarmerie pour le simple fait de porter le t-shirt de la JSK. Les citoyens n'avaient pas le droit de circuler, de manifester, d'exprimer leur identité», s'offusque, dans une déclaration à El Watan, Me Fetta Sadat, députée du RCD. L'élue s'est rendue au siège, où des militants scandaient des slogans hostiles au pouvoir. Pour la députée, les policiers, recevant des instructions du chef d'état-major, sont «venus se venger pour n'avoir pas confisqué les drapeaux amazighs le dernier vendredi». Des policiers ont interpellé Samira Messouci, élue à l'APW de Tizi Ouzou, et lui ont confisqué son drapeau amazigh avant de l'embarquer dans un fourgon cellulaire. La députée s'est vue retirer son emblème avant d'être «traînée», détaille-t-elle, vers le fourgon, avec un militant du RCD, le journaliste responsable du site Interlignes, Bouzid Ichalalene, et un jeune étudiant en géologie. «Liste des arrestations ouverte» «La police leur a confisqué leurs appareils portables. Moi, j'ai refusé de remettre le mien. Au commissariat du Télemly où ils nous ont conduits, les policiers ont pris nos renseignements. Notre militant Labdouci a été brutalisé… Nous avons été transférés au commissariat du boulevard des Martyrs où des policiers, qui connaissent ma qualité de députée, ont voulu me séparer des autres détenus, mais j'ai refusé. On a été libérés ensemble, on a rejoint à pied la marche», signale-t-elle. Au commissariat Tessala El Merdja, où la députée s'est rendue, elle a pu recenser 16 personnes interpellées, dont 6 militants du RCD, originaires de Bouira, Tizi Ouzou, Béjaïa. «Samira Messouci a été placée en garde-à-vue au Central (siège de la SWA) pour port de l'emblème amazigh. Elle sera présentée demain (aujourd'hui) devant le procureur près le tribunal de Sidi M'hamed. C'est un cas unique. Gaïd Salah a inventé une nouvelle infraction, qui est celle du port du drapeau amazigh. L'article 79 du code pénal, sur lequel s'appuie la police, évoque une autre situation comparable à la sédition, la rébellion !» s'étonne la juriste. Dans un communiqué rendu public, hier, le Réseau contre la répression affirme continuer «à recevoir, de façon quasi ininterrompue (…) des informations relatant des interpellations». Le bilan du réseau fait état de l'arrestation de plusieurs citoyens à Annaba (3), Bouira (13), de deux avocats, Tarik Mellah et Hafidh Tamart, à Alger-Centre. Il évoque l'interpellation de Chami Locif, Yehiaoui Bilal, Mohand Ameziane et 3 de leurs amis, à Alger. Il y a eu également l'arrestation de Nour Zaoua (de la Télévision publique) pour port de robe kabyle, de Mourad Ikhlef Lebid, interpellé jeudi 27 à Oran pour avoir accroché un drapeau à son balcon. «Cette longue liste reste malheureusement ouverte», précise le réseau. Les interpellations pour port du drapeau amazigh ont commencé vendredi 21 juin. Au moins 18 marcheurs ont ainsi été placés en détention préventive. La chambre d'accusation près la cour d'Alger devra statuer, mercredi, sur les recours, signale Me Abderrahmane Salah. La mobilisation contre les arrestations «arbitraires» pour port du drapeau amazigh, palestinien ou même national se multiplient : à Alger, devant le tribunal de Sidi M'hamed, et à Skikda où un rassemblement de solidarité avec l'activiste Messaoud Leftissi, incarcéré à El Harrach, a été dispersé par la police. «Des citoyens venant des autres régions m'ont confirmé que la route a été bloquée par la gendarmerie pendant presqu'une heure», signale la sœur du militant, Souadi, faisant savoir que la mobilisation continue. La LADDH appelle le parquet à abandonner toutes les poursuites judiciaires à l'encontre des manifestants pacifiques du mouvement-hirak qui comparaîtront aujourd'hui, dimanche, devant les tribunaux. Elle appelle aussi le pouvoir à la libération de l'ensemble des détenus d'opinion et politiques et au respect des libertés publiques et individuelles : de manifestations pacifiques, d'opinion et d'expression. Sera-t-elle entendue ?