"Les choses sont restées en l'état. Après l'annonce de la liste par la ‘société civile', il n'y a eu aucun autre signe", a estimé Karim Younès, contacté hier par téléphone. Plusieurs jours après son lancement, la "nouvelle initiative", lancée par le Forum civil pour le dialogue et, du reste, inspirée par le pouvoir en place pour relancer le dialogue politique, est au point mort. Le pouvoir navigue à vue pendant que l'opposition et l'ensemble de la classe politique exigent des garanties. Un dialogue de sourds s'installe. Si l'ensemble des groupes politiques s'accordent au moins sur la nécessité d'aller vers un dialogue sérieux, tous emettent des exigences qui font consensus ; en plus du départ des figures du système et la levée des contraintes qui pèsent sur l'ensemble des libertés, ils réclament la libération des "détenus d'opinion". Ce dernier point semble constituer une pierre d'achoppement, les Algériens et le pouvoir ne voyant pas la chose de la même manière. Même chez les personnalités qui semblent faire partie des bonnes grâces du pouvoir, ce point reste un préalable indiscutable. L'ancien président de l'APN, Karim Younès, qui multiplie les sorties médiatiques ces derniers jours dans un costume d'homme de médiation, répète à l'envi que cette question est un "préalable indispensable" pour entamer un dialogue. Pourtant, du côté du pouvoir, on ne semble pas être "pressé" de montrer de bonnes prédispositions à faire des concessions. Jusqu'à hier du moins, ni les détenus d'opinion n'ont été libérés ni les intentions d'aller vers un dialogue sérieux ne sont affichées. "Les choses sont restées en l'état. Après l'annonce de la liste par la ‘société civile', il n'y a eu aucun autre signe", a estimé Karim Younès, contacté hier par téléphone. Pour l'ancien ministre de la Formation professionnelle, en dehors de "l'absence de brutalités lors de la manifestation de vendredi dernier", le pouvoir n'a donné "aucun signe" quant au traitement qui sera réservé aux détenus d'opinion. Du côté des autorités, il n'y a visiblement pas matière à communiquer. La dernière sortie publique de la présidence de la République remonte à jeudi dernier. Le communiqué d'Abdelkader Bensalah évoquait un "pas positif" après la publication de la liste du "Forum de la société civile". Il annonce que "les tractations se poursuivent" pour désigner une liste définitive du panel qui devra servir d'intermédiaire pour un éventuel dialogue. "Le chef de l'Etat a pris connaissance du contenu de la communication faite, hier, 17 juillet 2019, par le ‘Forum de la société civile pour le changement' et considère qu'il s'agit d'un pas positif dans le sens de la concrétisation de la démarche proposée par l'Etat", avait indiqué la présidence de la République. Mais entre-temps, le sacre de l'équipe nationale de football semble avoir donné un peu de répit au pouvoir, mais fait encore durer la crise. Le pari semble être difficile pour les autorités. Jusque-là, tous les signaux sont plutôt négatifs. Elles maintiennent les détenus d'opinion — que Gaïd Salah qualifie de "traîtres" — en prison et ne veulent pas lâcher "les figures du système Bouteflika". Puis, au fil des jours, elles donnent l'impression de vouloir à tout prix contrôler le processus politique, alors que l'opposition et les manifestants les disqualifient. En attendant, les signes d'un dénouement de la crise s'éloignent. La tenue d'une élection présidentielle dans "les délais raisonnables" est une entreprise impossible à réaliser "dans les brefs délais" comme le souhaite le pouvoir. Un changement de cap s'impose.