Toutes les personnalités citées pour mener une médiation exigent la libération des détenus d'opinion. Le pouvoir doit choisir : accéder à cette demande ou tuer toute chance de dialogue. Trois semaines après avoir lancé sa nouvelle feuille de route, le pouvoir commence à voir une petite lueur d'espoir. Une "initiative de la société civile" lui a tendu une perche. Mais l'euphorie risque d'être de courte durée. Toutes les personnalités citées pour faire partie d'une éventuelle mission de médiation sont intransigeantes sur la nécessité de libérer les détenus d'opinion et la levée des contraintes sur les manifestations et les libertés publiques. Jeudi dernier, la présidence de la République a annoncé avoir "adopté" la liste des personnalités proposées par le "Forum civil pour le changement". Elle a ainsi ouvert la voie à cette thèse selon laquelle l'annonce de cette liste de 13 personnes a été inspirée par les autorités, et l'apparition, soudaine, d'Abderrahmane Arar n'était, en réalité, qu'une manœuvre de plus du pouvoir. Mais s'il semble agréer au moins une partie des personnalités proposées pour le dialogue, le pouvoir est face à un vrai dilemme. Toutes les personnalités citées dans la fameuse liste posent deux conditions non négociables à satisfaire avant l'entame d'un éventuel dialogue : la libération des détenus d'opinion et la levée des contraintes imposées aux manifestants. D'autres ajoutent volontiers une autre exigence : la levée de toutes les contraintes qui pèsent sur les libertés, y compris les libertés d'expression et de la presse. Même Karim Younès, ancien président de l'APN, qui n'a pratiquement fait aucune déclaration depuis le début du mouvement populaire, ne manque pas de poser des préalables avant d'engager un quelconque dialogue avec le pouvoir. "Outre la libération de tous les détenus d'opinion et le respect du caractère pacifique des manifestations par les forces de l'ordre, l'ouverture de tous les accès à la capitale les jours des marches aux citoyens de l'intérieur du pays, désireux rejoindre leur capitale, est un droit inaliénable", a rappelé Karim Younès, qui précise que cette "atteinte à la libre circulation des populations ne favorise, malheureusement, pas le processus de dialogue auquel la présidence de l'Etat appelle pourtant de tous ses vœux". "J'exhorte, une nouvelle fois, les responsables concernés à prendre les mesures nécessaires pour contribuer à l'apaisement de la situation, sans quoi aucune entame de concertation ne sera possible", a-t-il indiqué dans un communiqué diffusé vendredi. Avant lui, d'autres figures citées sur la liste du Forum civil pour le changement ont posé le même préalable. C'est le cas de Nacer Djabi qui a affirmé qu'aucune négociation n'était "possible" sans "la libération des détenus d'opinion", à commencer par le moudjahid Lakhdar Bouregaâ. Mostefa Bouchachi, une des figures du mouvement populaire, a, lui aussi, exprimé les mêmes exigences dans une sortie publique qui a suivi la publication de la liste des personnalités susceptibles de constituer un panel qui chapeautera le dialogue national. Même en dehors de ce "panel", des personnalités et des partis politiques ont fait de la libération des détenus d'opinion et de la libération de la parole un préalable à toute amorce de dialogue. C'est le cas des partis et des associations réunis autour de "l'Alternative démocratique" qui refusent de négocier "dans la terreur". Pour l'instant, le pouvoir n'a pas répondu à cette exigence. Avant-hier, au 22e vendredi de mobilisation populaire, Alger était tout aussi fermée aux manifestants venant de l'intérieur du pays. Pis encore, dans son dernier discours, le chef de l'armée avait décrié l'usage même du vocable "détenus d'opinion". Se déjugera-t-il pour répondre favorablement à une exigence largement partagée ou campera-t-il sur ses positions, quitte à enlever au dialogue toute chance d'avoir lieu ?