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Panel : pourquoi ça ne marchera pas
Sa désignation a été défavorablement accueilliE par le mouvement populaire et l'opposition
Publié dans Liberté le 28 - 07 - 2019

Refus populaire, rejet d'une partie de la classe politique et apparition de divergences au sein du panel ; à peine annoncé à coups de propagande médiatique officielle, le dialogue que souhaite amorcer le pouvoir est déjà compromis.
Au lendemain de leur réception par Abdelkader Bensalah, les six membres du panel choisis pour servir de médiateurs pour le "dialogue national inclusif" ont pu juger et jauger leur popularité. Des dizaines de milliers de manifestants ont adapté leurs slogans en vue de vilipender et d'inscrire ce groupe de personnalités, notamment son coordinateur Karim Younès, parmi les gens à "dégager".
Présent comme chaque vendredi depuis le 22 février à la marche de la capitale, l'économiste Smaïl Lalmas, figure du mouvement populaire, a été pris à partie. L'homme a tenté de défendre sa position, mais des jeunes survoltés ont failli l'agresser. Hier, l'économiste, contacté par téléphone, semblait être déterminé malgré l'incident de la veille. Pour lui, ce qui est arrivé était "attendu".
Mais comme beaucoup d'observateurs, Lalmas s'inquiète de "ce refus de tout le monde". Les autres membres du panel n'ont pas pu "juger" sur pièces cette remontée populaire contre eux. Ils ne participent que rarement aux manifestations populaires. Et ils n'ont pas de positions antérieures par rapport au statut du pouvoir actuel. Ce qui les a mis un peu à l'abri de la colère populaire.
Cette volée de bois vert ne met, cependant, pas fin au travail du panel. Aujourd'hui, ses six membres — probablement renforcés par la présence d'un représentant de la communauté nationale établie à l'étranger — se réuniront à Alger pour discuter de ce qu'il convient de faire. Ils devront, officiellement, s'entendre sur le règlement intérieur du groupe avant d'aller entamer les discussions avec la classe politique. Mais ils vont discuter également de "la suite" à donner à leur entreprise. Et, selon des informations recoupées, la situation n'est guère encourageante.
Des critiques acerbes
Quelques heures après s'être déployés, jeudi, sur les plateaux de télévision pour prêcher les vertus du dialogue et ressasser, sans coup férir, les "promesses du pouvoir", les membres du panel ont reçu un deuxième camouflet. Pour "afficher sa bonne volonté", le pouvoir a promis d'alléger le dispositif sécuritaire qui entoure les marches populaires et de lever les obstacles qui empêchent les manifestants d'arriver en ville.
Or, vendredi, rien de cela n'a été fait. Pire, tout le monde a constaté que ni les barrages filtrants installés aux entrées de la capitale, ni les fouilles, ni encore le placement des véhicules de police sur l'itinéraire de la marche n'ont changé. Seules les interpellations et les arrestations ont diminué. Face à ce premier camouflet, Karim Younès est allé jusqu'à menacer le pouvoir de "dissoudre" le groupe de personnalités si les promesses du pouvoir ne sont pas tenues au cours de la semaine. Car des promesses du pouvoir, aucune n'est concrétisée.
Outre le dispositif répressif maintenu en place, l'ouverture des médias est toujours une chimère. En dehors des membres du panel, les chaînes de télévision n'ouvrent quasiment toujours pas leurs antennes au débat contradictoire. Pis encore, la télévision gouvernementale a évoqué, avec mépris, les manifestations du vendredi. Elle n'a montré que de brèves images illustrant des rues désertes. Aucun slogan n'a été repris. Rien n'a donc changé sous le toit de l'ENTV.
Ces signaux, mauvais, trahissent en réalité les contradictions qui existent au sein du système de gouvernance actuellement. Car, s'il a formulé des "réponses" aux préalables du panel du dialogue, Abdelkader Bensalah n'a pas émis d'engagements clairs. Il a tout juste indiqué aux six personnalités qu'il allait "regarder" les points soulevés.
Puis, le chef de l'Etat par intérim (prolongé illégalement) a même exprimé son impuissance face au cas du Premier ministre, Noureddine Bedoui, dont le départ est inscrit parmi les préalables posés au dialogue. "Je n'ai aucune prérogative pour le démettre de ses fonctions. Mais on va voir cela", aurait-il répondu aux participants, selon un témoin. Rien ne dit que cela ne se réalisera pas. Mais cela risque de prendre du temps.
Composante décriée
Outre la rue, le panel drivé par Karim Younès fait face à de violentes critiques venant de la classe politique. Les partis de l'alternative démocratique dénoncent, unanimement, une nouvelle "manœuvre" qui vise à sauver Abdelkader Bensalah. Chacun avec ses mots, ces formations politiques, qui plaident pour une période de transition avant d'évoquer des élections, rappellent surtout que si elles ne sont pas contre le dialogue, elles refusent de discuter "avec les symboles du système Bouteflika".
"Le pouvoir veut réduire la crise politique à une simple opération électorale visant à élire un nouveau président de la République", a commenté de son côté Karim Tabbou. Les déboires du panel ne viennent pas que de l'environnement politique. Parmi les six membres, les fractures commencent à apparaître. Si Smaïl Lalmas insiste sur le fait de refuser de discuter avec les anciens partis de "l'alliance présidentielle", d'autres "collègues" à lui acceptent l'idée du "dialogue inclusif".
C'est le cas de Fatiha Benabbou qui ne voit pas de "souci" à voir le MPA, le RND, le FLN ou TAJ discuter d'une "sortie de crise". "Cela pose un problème", admet Lalmas, qui ne perd pas de vue que ces partis politiques et les personnalités qui en sont issues sont rejetés par la population. "Surtout que ces partis n'ont même pas renouvelé leurs directions", se désole l'économiste, joint hier par téléphone. Ce refus risque même de constituer un casus belli avec le pouvoir qui ne veut visiblement pas lâcher ses alliés, même discrédités.
Comme un malheur ne vient jamais seul, le "panel" a reçu des attaques "amies". Ainsi, des personnalités, approchées pour faire partie de l'équipe, ont fait des révélations qui posent la question sur la crédibilité de l'équipe à Karim Younès. Puis, ce dernier a "fait venir" à la dernière minute d'autres personnalités dont personne n'a entendu parler auparavant. Le concerné assure avoir fait cela au "nom de l'équilibre régional".
Mais même parmi certaines personnes présentes jeudi à la présidence de la République, personne n'arrive à comprendre la présence dans l'équipe de Bouzid Lazhari, un ancien laudateur du régime et un des concepteurs des textes passés par Abdelaziz Bouteflika ces dernières années. Comment s'est-il retrouvé là ? Personne n'a de réponse.
À ce reproche, il faut ajouter une autre remontrance ; beaucoup d'observateurs n'ont pas aimé que ce soit Abdelkader Bensalah, dont la rue demande le départ depuis des mois, qui "désigne" un panel censé conduire le pays à une sortie de crise.Si le groupe de Karim Younès, qui ne compte qu'un seul homme politique pour une crise qui est éminemment politique, ne renonce toujours pas, sa mission semble déjà compromise.

Ali Boukhlef


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