Après Vivre au paradis, une belle page fiction sur la vie des émigrés algériens de France, Bourlem Guerdjou revient avec Zaina, Cavalière de l'Atlas. Moins convaincant, le film est un voyage orientaliste dans l'Atlas marocain, même si la trame, quête identitaire berbère et émancipation de la femme, reste un sujet d'actualité dans les pays du Maghreb. À peine la nuit a commencé à jeter son voile obscur et les étoiles à scintiller devant plus de 4 000 festivaliers, que l'écran de la Piazza Grande, comme par magie, s'ouvre sur un groupe d'hommes qui enterre Selma, mère de Zaina, morte par la faute de son mari Omar. L'imam prend Zaina comme la mère le lui a demandé afin de l'éloigner de son père dangereux. À ce décor extérieur succède l'intérieur d'une bâtisse où l'on apprend que Zaina est la fille de Mustapha qui avait répudié sa mère suite à un scandale qu'elle a provoqué après avoir participé à une course de chevaux déguisée en homme, sans savoir qu'elle était enceinte. Mustapha prend avec lui Zaina, mais Omar veut la récupérer. Après ce début bien ficelé et prometteur ayant tenu en haleine les spectateurs, le réalisateur les a invités à suivre le voyage du groupe de Mustapha pourchassé par Omar à travers les montagnes de l'Atlas. Comme rien ne se passait au sein de cette “caravane”, certains festivaliers ont commencé à s'éclipser en douceur pendant que d'autres ont attendu en vain qu'il se passe quelque chose. Ceux-là, durant les 100 minutes du film, qui met en vedettes Sami Bouajila, Simon Abkarian, ont eu droit à des décors carte postale, des plans sur les rochers et les sabots de chevaux, des levers de soleil et à quelques chevauchées en plein air, pendant que les dialogues se résumaient, à quelques exceptions près, à la difficulté de l'escalade, la rudesse de la vie, les qualités des pur-sangs et quelques renseignements sur le passé du père et de la fille… C'est autour de cette histoire banale, qui dénote l'ignorance de la richesse des histoires qui peuplent les têtes des Berbères de l'Atlas, que le réalisateur vient greffer un discours qui plaît à l'Occident : émancipation de la femme, combat pour la liberté et la recherche identitaire. Cependant, l'œuvre ne propose rien, voire triche et trompe en se réfugiant dans l'exotique. Comment émanciper la femme quand on la filme d'une manière folklorique ? Comment libérer un peuple en noyant ses problèmes dans la beauté touristique de ses montagnes ? Comment lui permettre de se réconcilier avec ses racines quand on nie son identité ? Bourlem Guerjou, qui nous a pourtant gratifié d'un merveilleux Vivre au paradis, parle de la recherche identitaire comme le socle de son œuvre. Il filme des décors, des symboles et des Berbères de l'Atlas, mais il parle de film “arabe et de conte oriental”. La seule intelligence qu'on lui concède est le fait qu'il a bien appris son lexique et qu'il su trouver les images qui chatouillent les Français. Il “contribue à nourrir la fascination du monde occidental pour les légendes arabes”, lit-on dans le catalogue officiel. C'est pour cela qu'un tel film épousant le regard exotique avec lequel l'Occident nous regarde ne peut servir les intérêts des Nord-Africains. Mais ces derniers, du moins, ceux qui étaient présent à Locarno, pas dupes, ont manifesté le calvaire qui leur a été imposé avec cette cavalcade. On les comprend tant que la vraie course n'est pas vraiment celle de Zaina, mais celle des tenants du discours aussi bien exotique qu'égocentrique et des distributeurs pour gagner de l'argent en imposant à ces derniers un calvaire. Bourlem Guerdjou est né le 1er mai 1965 à Asnières (France). Il suit les cours Florent en 1982-83. Lauréat de la Fondation de la vocation, section réalisation, il joue également dans différents films, téléfilms et pièces de théâtre. Après avoir réalisé trois courts métrages dont Ring (1986), primé dans de nombreux festivals, Couleur d'enfants et deux documentaires, Une nuit d'opéra et Djamila Life, le rêve de grandir, il signe en 1999 son premier long métrage Vivre au paradis. T. H.