Résumé : Kamélia a prévu d'aller visiter ses parents. Elle promet à Nawel de l'appeler à son retour. Un coursier vient frapper à sa porte. Il lui remet un colis dont l'expéditeur est inconnu. Kamélia coupe les rubans puis déchire le papier brun de l'emballage du paquet. Elle l'ouvre sans difficulté. Elle a la surprise de trouver un coussin en forme de cœur et un cadre en bois avec sa photo. Une vieille photo. Kamélia a la sensation de replonger dix années plus tôt. Elle se revoie tournoyer avec cette robe blanche aux formes amples. Elle lui va si bien. Elle est de taille moyenne. Sa nuque délicate et ses bras fins donnent un aspect fragile à sa silhouette. Aujourd'hui, elle est plus longue et a de jolies formes. Le teint de son visage ovale semble transparent. Ses yeux de couleur noisette brillent de joie, un doux sourire étire ses lèvres bien dessinées. Sur la photo, elle ne porte aucun maquillage. Quant à ses cheveux, elle les a massacrés à force de les nouer en un chignon désordonné sur le sommet de sa tête. Cette photo vient de la ramener dix ans en arrière et pourtant elle en garde souvenir comme si c'était maintenant. Aujourd'hui encore, Kamélia ne connaissait rien à l'art du maquillage. Quant à ses cheveux, le massacre a duré jusqu'au jour où elle a sympathisé avec Nawel. C'est elle qui a réussi à la traîner chez une coiffeuse. Celle-ci les lui a coupés juste au-dessus des épaules, en une coiffure sage et nette. -Dix ans, murmure-t-elle. J'étais alors avec Tewfik… Son cousin germain a dérobé la photo à ses parents. Il l'aimait beaucoup. Ils ont été fiancés durant trois ans. Durant tout ce temps, il avait tout fait pour lui plaire, pour éveiller en elle autre chose que l'amitié. Elle était restée insensible à son charme. Leurs fiançailles avaient été arrangées par leurs parents, selon les traditions. Au village, elles étaient nombreuses à se marier dans la même famille ou à des cousins éloignés. Elle n'avait pas échappé à la règle et avait accepté sans rechigner celui qui deviendrait son mari, même si elle n'éprouvait rien pour lui. Kamélia reconnaît maintenant qu'elle n'avait rien fait pour le décourager. Mais elle ne s'est jamais affichée avec lui lors des fêtes. Elle n'a jamais pris de photo avec lui. Un jour où il a rendu visite avec ses parents, il en avait profité pour prendre la photo, posée sur le meuble de la pièce principale. Depuis, il ne s'en était plus jamais séparé. On lui a rapporté qu'il la gardait soigneusement dans son portefeuille. Tewfik ne s'en était séparé qu'une fois, lorsqu'il partit à la mer. Cette baignade a été la dernière, car il n'en est pas ressorti. Il s'est noyé à quelques jours de leur mariage. Les mauvaises langues la qualifièrent de pas de chance. Si les garçons de son âge espéraient conquérir son cœur, les mères ne partageaient pas cet avis. Elles allaient jusqu'à consulter les voyantes de la région. Certaines allaient voir les talebs, réputés pour leur pouvoir de guérison. Elles payaient le prix fort pour ramener leurs fils à la raison. Elles espéraient leur ouvrir les yeux sur leur mauvais choix. Mais tous étaient subjugués par sa beauté et n'en revenaient pas qu'elle puisse les ignorer. La mort de Tewfik l'avait marquée. S'il arrivait malheur à l'un d'eux, elle ne se le serait jamais pardonné. Lorsque sa tante paternelle qui résidait à Alger s'est retrouvée veuve et l'a voulu pour compagne, ses parents avaient vite accepté. Aujourd'hui, après toutes ces années, la jeune femme se dit qu'ils n'auraient pu prendre de meilleure décision, même s'ils lui manquent beaucoup….
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