L'annonce du Premier ministre britannique de suspendre le Parlement a été perçue comme un acte "antidémocratique" et vécue comme un "scandale" par l'opposition. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé hier que les travaux du Parlement seraient suspendus de la deuxième semaine de septembre et jusqu'au 14 octobre, soit deux semaines avant la date prévue du Brexit. Farouche défenseur d'un Brexit dur, Boris Johnson prévoit, à travers cette décision inédite, d'empêcher l'opposition de débattre du sujet au Parlement et de faire voter des lois le forçant à abandonner son projet d'un divorce avec l'UE avec ou sans accord. L'annonce du Premier ministre a eu immédiatement l'effet d'un tremblement de terre dans la city londonienne. La livre sterling a chuté hier de 0,6 % face à l'euro et au dollar à la suite de cette information qui renforce l'hypothèse d'un Brexit dur. La rentrée parlementaire est prévue mardi. Les députés ne siègeront donc que quelques jours avant une suspension jusqu'au 14 octobre. Réagissant à cette annonce, le président de la Chambre des Communes, John Bercow, a déclaré que la suspension du Parlement jusqu'au 14 octobre est "un scandale constitutionnel". Pour lui, "il est absolument évident que l'objectif de la suspension est maintenant d'empêcher le Parlement de débattre du Brexit et de faire son devoir de définir une trajectoire pour le pays". L'opposition s'est montrée de son côté "outrée" par la démarche du Premier ministre britannique. "Cette action est un affront particulièrement scandaleux à notre démocratie. Nous ne pouvons pas laisser cela se produire", a tweeté Tom Watson, chef adjoint du Labour (travailliste), principal parti d'opposition, tandis que la cheffe du Groupe des Indépendants, Anna Soubry, ancienne députée conservatrice, a jugé que la démocratie était "menacée par un Premier ministre impitoyable". L'onde de choc provoquée par cette annonce a atteint également l'Ecosse. "Il semble donc que Boris Johnson soit sur le point de fermer le Parlement pour imposer un Brexit sans accord. À moins que les députés ne s'unissent pour l'en empêcher la semaine prochaine, aujourd'hui entrera dans l'histoire comme une sombre journée pour la démocratie britannique", a réagi sur Twitter la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon. Boris Johnson a défendu sa décision en affirmant sur Sky News que le calendrier fixé "laissera amplement le temps aux députés de débattre de l'UE et du Brexit". Mais pour la cheffe du parti libéral démocrate, Jo Swinson, le Premier ministre a fait preuve de "lâcheté". "Il sait que les gens ne choisiraient pas le ‘no deal' et que les représentants élus ne le permettraient pas", a-t-elle soutenu. Mardi, les chefs de file des partis d'opposition s'étaient réunis pour convenir d'une stratégie commune afin d'éviter un "no deal" en votant une loi dans ce sens. Boris Johnson veut à tout prix quitter l'UE, avec ou sans accord, une position qui divise profondément le Royaume-Uni, jusque dans son camp conservateur, dont une partie souhaite le maintien de liens étroits avec l'UE. Selon un rapport du gouvernement, fuité la semaine dernière, une césure brutale fait craindre des pénuries alimentaires, de carburant et de médicaments, ainsi que le rétablissement de droits de douane. Karim Benamar