L'Union africaine a suspendu la Mauritanie de ses activités “jusqu'au rétablissement de l'ordre constitutionnel dans le pays”. Qu'à cela ne tienne ! “Le Conseil militaire pour la justice et la démocratie”, comme se font appeler les officiers putschistes, ne tardera pas à se doter d'une nouvelle constitution et d'un processus politique. Il y a quelque chose d'insolite dans la condamnation d'un coup d'Etat par l'organisation africaine. Sur les cinquante- trois membres de l'union, moins d'une dizaine de régimes (parce qu'il faut rendre justice aux efforts de développement politique du Bénin, du Ghana, du Sénégal, du Mali, de la Sierra Leone, du Liberia qui sort d'une guerre, et, bien sûr, de l'Afrique du Sud) peuvent prétendre à la légitimité démocratique. Les autres endurent encore des autocrates perpétuels. C'est le cas de la Mauritanie justement qui vient de mettre fin à vingt ans de règne absolu de Mouaouya Ould Taya. Ou de Ben Ali qui, sans sourire, a condamné le coup de force de Nouakchott. Il faut dire que son coup d'Etat à lui s'est fait sous contrôle médical, un putsch presque chirurgical. Pourtant, tout le monde finira par reconnaître le pouvoir issu du coup d'Etat : l'UA, la CEDEAO, la moribonde UMA qui, à l'occasion, a perdu la voix, l'ONU et les puissances… Parce que les dictatures issues des urnes ne valent pas mieux que celles qui sont sorties des chars. Les premières ne font que transiter par un isoloir qui fait diversion sur la nature “forcée” du choix. Et une fois installées, elles modifient les constitutions à leur guise et autant de fois que leur immuabilité. Quand parfois, au bout d'un quart de siècle, ces dictateurs estiment qu'il est temps de passer la main, c'est à leur propre fils qu'ils pensent pour accomplir “l'alternance”. Après le fils de Gnassigbe Ayadéma au Togo, ce sont les petits du Raïs égyptien et du guide libyen qui s'y préparent. Quand en 1999, l'OUA réformée en UA a voulu bannir les coups d'Etat en Afrique, c'est un syndicat de chefs d'Etat qui s'est entendu contre la persistance d'un mode brutal de transition. Mais, hormis la dizaine de pays parvenus au stade démocratique de la vie publique, la règle n'a pas changé en Afrique : ou le dirigeant maîtrise la force ou la force choisit le dirigeant. Quitte à faire valider le coup d'Etat permanent par une formalité électorale, caricature démocratique devant assurer la “fréquentabilité” internationale. Ce qui fait qu'aujourd'hui, en Afrique, les dictateurs sont plus nombreux à arriver par l'urne que sur le char. Les régimes africains, pour s'éviter toute tierce appréciation, ont été jusqu'à s'inventer un “mécanisme d'évaluation par les pairs”, une institution d'autoévaluation réciproque ! Quand on voit les scènes de joie filmées dans les rues de Nouakchott, on constate que, malheureusement, le putsch est, par endroits, un moment d'espoir populaire. On constate surtout que le retard africain n'est pas seulement économique. Ni la communauté internationale, ni l'organisation continentale, ni les Etats africains, ni leurs partenaires n'ont jugé utile de poser la question de la démocratie en Afrique. Nécessairement, les coups d'Etat, francs ou maquillés, y ont encore un avenir. M. H.