Il est urgent d'assainir la situation avec un retour progressif à des règles d'orthodoxie financière sans heurter violemment la société. Pour le professeur Mohamed Chérif Belmihoub, expert en management des organisations, "l'entrée violente et massive du Trésor dans la sphère monétaire par la planche à billets et aussi dans la sphère financière par les emprunts sur le marché obligataire doit être corrigée rapidement pour limiter les effets inflationnistes et pour libérer les fonds nécessaires pour le financement de l'économie productive". En parlant du modèle économique à adopter pour reconstruire l'économie algérienne, M. Belmihoub évoque trois approches possibles, non exclusives. Il cite notamment la substitution aux importations, l'entrée dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) sur des segments bien ciblés et pour lesquels il faut préparer les opérateurs nationaux et les investisseurs directs étrangers (IDE) et enfin l'insertion dans l'économie mondiale par la nouvelle économie. Cependant, soutient-il, "il est encore prématuré de parler de la nature du modèle économique à préconiser pour l'Algérie et des arbitrages économiques avant de traiter les questions structurelles qui peuvent être présentées en termes d'équations à résoudre". Il faut une gouvernance capable de faire des arbitrages sur un certain nombre de questions cruciales. M. Belmihoub a parlé de trois équations qu'il faudra traiter. La première concerne le statu quo ou les réformes. Où placer le curseur ? Quelle est la marge de manœuvre dans la mise en œuvre des réformes structurelles sans remettre en cause la cohésion sociale ? Autant de questions qui nécessitent des réponses. La problématique des subventions implicites ou explicites est au cœur de cette équation. La deuxième équation, très complexe, traite de l'équilibre entre la compétitivité et la justice sociale. "Ici, le problème est plutôt microéconomique", précise M. Belmihoub. Faut-il subventionner la compétitivité des entreprises ou la consommation des ménages ? Faut-il sacrifier les entreprises non compétitives au profit des compétitives ? Quid des entreprises publiques, de l'emploi et de la politique de commerce extérieur ? "Il y a des arbitrages à faire", estime l'expert, relevant que le Trésor pratique un effet d'éviction sur le marché financier. "Il ramasse toutes les ressources financières pour financer l'action publique de l'Etat et ne laisse pas d'argent pour les entreprises", constate M. Belmihoub. La troisième équation touche au rôle de l'Etat versus marché. Comment construire un système de régulation de l'économie ? Quel est le dosage entre l'intervention de l'Etat et le rôle du marché ? Quid de la tarification publique des biens et services, de la concurrence et de la discrimination positive de certains secteurs ? Faut-il continuer à intervenir par le budget ou passer au financement par le marché ? "Ces termes ne sont pas tous de nature économique, au contraire ils renvoient à des considérations politiques, sociales et même historiques", affirme M. Belmihoub. "Le choix du modèle économique interviendra une fois que ces termes auront été débattus et auront obtenu un minimum de consensus dans la société", a-t-il conclu.