Sans surprise, les députés ont applaudi, au cours du débat général, les projets de loi afférents à la présidentielle, présentés par le ministre de la Justice, garde des Sceaux. Le Parlement est en voie de doter le processus électoral, que le commandement militaire souhaite entamer dès ce 15 septembre par la convocation du corps électoral, d'un soubassement législatif. Hier, les députés ont débattu, en mode accéléré, les projets de loi portant révision du code électoral et institution d'une instance indépendante d'organisation et de supervision des élections. Les membres de la Chambre basse du Parlement ont reçu des copies des projets de textes et le rapport préliminaire de la commission des affaires juridiques et administratives hier matin, aux environs de 8h. "On nous a donné deux heures pour examiner les projets de loi et éventuellement présenter des amendements, alors que nous disposons, au plan réglementaire, de trois jours pour ce travail", a protesté Lakhdar Benkhalef, président du groupe parlementaire de l'alliance Adala-Bina-Nahda dans les couloirs de l'hémicycle du palais Zighoud-Youcef. Les délais raccourcis excessivement n'ont pas inhibé les élus du triumvirat, qui ont assisté au débat général en plénière et rédigé des propositions d'amendement remettant en cause, principalement, l'attribution de la présidence des commissions de wilaya et de commune à des magistrats et le recours au logiciel de traitement du fichier électoral, utilisé préalablement par l'administration. Les groupes parlementaires du RCD, du FFS et du MSP n'ont pas adopté, en revanche, une pareille attitude participationniste. Ils ont déserté leurs sièges dans les travées de l'hémicycle, largement acquis, dès lors, aux projets du gouvernement. Dès le coup d'envoi de la séance plénière, Slimane Chenine, du haut de son perchoir, a mis l'accent sur le caractère urgent des projets de loi présentés, eu égard "à la crise que traverse le pays. La conjoncture actuelle dicte l'impératif d'examiner les deux projets avec souplesse afin d'organiser rapidement une élection présidentielle". Selon des sources concordantes, les députés de la majorité parlementaire ont été instruits de ne pas prolonger outre mesure le débat général et de ne proposer aucun amendement. La consigne est visiblement suivie à la lettre. Uniquement 78 élus se sont inscrits pour intervenir en plénière, juste après la présentation, succincte par ailleurs, du ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, des deux projets de loi en simultané. Une procédure inusuelle dans les annales parlementaires. Dans son rôle, le membre du gouvernement a défendu les choix des autorités nationales, incarnés notamment par la création d'une instance "permanente, indépendante et impartiale et qui jouit du statut de personne morale et de l'indépendance administrative et financière". Il a esquissé brièvement les prérogatives de cette autorité, dont la mission est de concrétiser, selon lui, "la démocratie constitutionnelle et promouvoir le régime électoral conduisant à l'alternance pacifique et démocratique au pouvoir". Il a enchaîné, sans transition, sur les changements opérés dans la loi organique portant code électoral. Les députés, dociles, ne lui ont guère apporté de contradiction. Faïza Hamma, élue FLN, a pris la parole, à peine le débat déclaré ouvert par le président de l'Assemblée nationale. Elle a pris fait et cause pour la tenue d'une présidentielle au mois de décembre prochain, fustigé, au passage, "la minorité qui veut imposer une transition démocratique" et… longuement remercié le "moudjahid et général de corps d'armée Gaïd Salah pour son rôle prépondérant dans la lutte contre la corruption et la protection des marches citoyennes et la satisfaction de toutes les revendications du hirak". Les "sérénades" au chef de l'institution militaire n'ont manqué dans aucune intervention des députés FLN et RND. C'était à qui lui adresserait la plus belle déclaration d'allégeance. Pour les parlementaires des deux anciens partenaires de l'alliance présidentielle, le peuple n'existe pas vraiment. Ce n'est qu'un concept abstrait qui sert à justifier l'existence du régime. Pour eux, le peuple demande ardemment, lors de ses manifestations, à élire, à brève échéance, un président de la République et appuie la feuille de route du vice-ministre de la Défense nationale. La seule voix dissonante a été celle de Zina Ikhlef, députée de Béjaïa sous la bannière du Rassemblement national républicain. Elle a évoqué les véritables slogans scandés dans la rue les vendredis et mardis et a plaidé pour la libération des détenus pour port de l'emblème amazigh. "Je suis Berbère et fière de l'être", a-t-elle décliné dans les trois langues parlées en Algérie. Le ministre de la Justice devait répondre, pour la forme, aux députés en fin de journée. Le vote sur les deux projets de loi est programmé dans la matinée de ce jeudi. Souhila Hammadi