Comme par un tour de magie, le pouvoir a réussi à présenter à la presse, donc à l'opinion publique nationale, la composante de l'Autorité nationale indépendante des élections. Pour encadrer des élections annoncées "régulières et transparentes", il a recouru aux mêmes méthodes de recyclage des figures du système, en l'espèce les figures du bouteflikisme. Des figures ayant gouverné sont rappelées pour reprendre du service. Censée être la panacée qui règlera définitivement les problèmes de légitimité dont souffrent les élections dans le pays, l'Autorité des élections s'est avérée être une copie conforme de celles qui l'ont précédée. Pour ne pas déroger à la règle, les autorités, soucieuses de "tenir l'élection présidentielle avant la fin de l'année", ont agi vite. Visiblement pressé de rendre publique la liste des membres de l'Autorité, Karim Younès n'a pas eu trop de choix. Certains membres du groupe n'avaient même pas eu le temps de donner leur accord de principe. Contactés samedi en début de soirée, certains parmi ceux qui sont désormais chargés de "préparer l'élection présidentielle" n'ont pas dit "oui", et leurs noms se sont retrouvés sur la liste le lendemain. Mais le pouvoir est impatient. Il ne doit pas attendre, et la composante de la haute instance devait être annoncée dimanche 15 septembre, avant que le chef de l'Etat ne convoque le corps électoral. Pour ce faire, les tenants du pouvoir ont déjà choisi celui qui doit être le président de la haute instance. Il suffisait d'annoncer la nouvelle. Les journalistes, surpris, ont reçu des appels téléphoniques très tôt le matin. Par ailleurs, dans sa volonté de "faire vite", le pouvoir a violé même les lois qu'il a lui-même édictées. Ainsi, il n'a pas été soucieux de respecter la loi organique qui exclut, par exemple, ceux qui ont fait partie de partis politiques les six dernières années de cette instance. Certains des noms annoncés n'ont même pas encore quitté leur parti. Mais en vue de l'enjeu, cela n'est qu'un détail. L'essentiel pour le pouvoir est de tenir l'élection présidentielle avant la fin de l'année. Mais plus que les méthodes, c'est le choix des personnes qui est symptomatique des visées du pouvoir. Mohamed Charfi aux affaires, même renvoyé du gouvernement sous Bouteflika, n'a pas versé pour autant dans l'opposition. L'homme, juriste de formation et de carrière, a été deux fois ministre de la Justice et conseiller de l'ancien chef de l'Etat déchu. Mohamed Charfi était notamment garde des Sceaux lors des élections locales de 2002 et de 2012. Il a certes été congédié après avoir tenté de lancer un mandat d'arrêt international contre Chakib Khelil en août 2013. Mais pour le reste, il a servi le système. Les internautes ont vite fait de rappeler qu'il était procureur général à Constantine lors de l'arrestation des manifestants de cette ville en 1985.