La production nationale de médicaments a connu une hausse de 52% durant les 5 dernières années. Cette avancée dans la fabrication des produits pharmaceutiques entre 2014 et 2018 a contribué à la réduction des importations de plus de 27%. Durant ce quinquennat, la facture du médicament n'a augmenté que de 3%. Ce qui a donné lieu à une couverture des besoins à hauteur de 60%. Cette "performance" réalisée par la jeune industrie pharmaceutique algérienne est l'œuvre des 92 unités de production réparties à travers le territoire national. L'on s'attend néanmoins à des résultats plus probants à l'avenir avec l'entrée en service des 142 autres usines en projet. Ces quelques statistiques ont été annoncées au cours de la conférence nationale sur les psychotropes organisée hier par le Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine (Snapo). Cette rencontre a permis aux pharmaciens de faire le point sur les conditions difficiles dans lesquelles ils exercent leur métier, notamment pour la vente des psychotropes. "Les pharmaciens font face à de multiples problèmes d'ordres réglementaire, technique, juridique et sécuritaire", déplore d'emblée le Dr Messaoud Belambri, président du Snapo, dans son intervention. À cause de la commercialisation de ces produits, ils sont victimes "d'agressions au quotidien, voire d'assassinats à l'intérieur même de leurs officines". Ils se sentent réellement en danger, avertit M. Belambri. Le problème est également lié à la réglementation car les textes encadrant la gestion de ces produits ont besoin d'être réformés et étoffés. "Certes, la loi 04-18 est en cours de révision, un nouveau décret exécutif qui a été adopté par le gouvernement, est en voie de publication, et les tableaux portant classification des psychotropes ont été officiellement envoyés par le ministère de la Santé à tous les départements ministériels et institutions concernés en vue de leur exploitation. Mais les pharmaciens ne se sentent toujours pas en sécurité. Car, au quotidien, la tâche du pharmacien s'avère extrêmement sensible et difficile, pour ne pas dire carrément dangereuse", souligne-t-il. Face au détournement d'usage de ces produits et aux risques juridiques encourus, de nombreux pharmaciens ont, selon le président de cette organisation professionnelle, tout simplement abandonné la détention de ces médicaments ou s'abstiennent d'honorer certaines prescriptions médicales. Psychotropes : les pharmaciens en danger "Ce n'est certes pas la meilleure des solutions, mais pour de nombreux confrères et consœurs, c'est une attitude à résultat garanti, qui met leur vie en sécurité, et qui les met à l'abri des risques et incompréhensions judiciaires ou des menaces de la délinquance", argue-t-il. Le Dr Messaoud Belambri revendique ainsi l'identification officielle des produits classés sur la liste des psychotropes. Les tableaux liés à la classification légale et officielle de ces produits ne sont toujours pas publiés au JO (Journal officiel) en dépit de l'existence d'un arrêté ministériel qui date de juillet 2015. Ce qui fait régner, déplore-t-il, un flou total sur l'identification exacte de ces produits. Cette situation, cependant, fait courir aux pharmaciens des risques de poursuites judiciaires tel que stipulé par les articles 16 et 17 de la loi 04-18 du 25 décembre 2004 qui prévoient de lourdes peines de prison allant de 5 à 20 ans. L'autre contrainte à laquelle sont confrontés les pharmaciens a trait aux ordonnances de complaisance ou fictives. "Nous ne pouvons pas, en tant que pharmaciens, vérifier l'existence ou non de ces médecins prescripteurs", reconnaît-il. Et si ces produits sont délivrés avec de telles ordonnances fictives, le pharmacien risque des peines de prison allant de 5 à 15 ans. Reste à savoir si l'utilisation d'ordonnances à souches avec un numéro de série et les fichiers numériques qui permettront une meilleure traçabilité, constitueront une solution à ce problème.