Ce qui a trait à l'art s'esquisse de concert avec le vécu, notamment les rêveries de nos jeunes qui clament clémence sous d'autres cieux où vivre sa vie dans le vivre-ensemble ne sont pas de vains mots. Si dans les convenances l'art s'affiche au musée ou dans les galeries, l'art se trouve aussi sur nos pas où il s'offre au regard à l'endroit même où l'on ne fait que passer. Il peut s'agir d'une motte de terre glaise, d'une poignée de sable ou d'une pelure de peausserie, qui, si elles trouvent leurs maîtres, s'immortaliseront dans une œuvre artistique. Et à l'heure où l'essor de la "récup" est à la tendance fait main, osons le vœu : heureuse comme l'épave qui chute au passage de l'adepte de la "récup". C'est le cas de l'artiste peintre Bellal Tahar qui inocule un second souffle pour un second cycle de vie aux chutes de cuir. Non qu'il s'improvise tanneur, mais il a le coup d'œil et le talent pour déplisser l'épluchure jusqu'à ce que la rigidité du cuir cède à la douceur qui s'adapte à l'œuvre recherchée. Et au-delà de la teinte de l'incandescence du ciel rouge pourpre, l'enfant d'Ouacif invite l'ocre lunaire cuivré à s'enlacer avec le croissant nuancé au brun de noyer et au bleuet d'azur qu'il expose à la galerie d'art Asselah-Hocine. Autre nuance, l'esthétique de la chorégraphie de l'hippocampe cendré qui oscille au-dessus du ressac marin esquissé dans le style de l'art abstrait et semi-figuratif. Outre le choix de couleurs, l'artiste énonce dans un second temps d'énigmatiques locutions sur l'expressif fond noir où "le rêve de harraga prend fin de la rive à la dérive". Et à propos de l'option de l'ébène, celui-ci s'éclaircit au rite du noir qui prohibe l'éclat et fruste l'œil de la féerie des coloris. Peut-être que c'est dû au fait que c'est ce même noir qui symbolise l'intolérante tendance à la négation identitaire et qui ne tolère ni la diversité ni les écarts de nuances d'"une jeunesse qui vit au gré des injustices". "L'arrière plan du noir intègre reflète aussi le visage du visiteur qui passe ainsi du statut de visiteur au statut d'un acteur-témoin de mes toiles, puisqu'il aura mêlé son image avec mes motifs", a déclaré cet élève de l'école de l'autodidactie. D'où le choix du noir qui cadenasse la liberté de penser au profit de l'unicité de couleur et de pensée dans "le parfait aléatoire". Néanmoins, s'il séquestre la liberté, le noir offre en revanche l'idéal support aux graffitis qui s'exhalent de prémonitoires pensées poétiques de l'âme de l'artiste peintre : "Le bleu du ciel. Le jaune rituel. Le soufre nous résume" ou "la funeste horde et le suaire". D'où le choix du noir que l'artiste peintre Bellal Tahar a emprunté à l'œuvre Miroir d'obsidienne (1991) de l'écrivain poète Djamel Amrani (1935-2005) où ce révolutionnaire rend hommage à M'hamed Issiakhem (1928-1985), a-t-on su de ce photographe de père en fils. Mais d'où vient le choix du cuir ? De la tendresse qu'il voue à l'animal, qu'il a apprivoisé à la lecture des fables choisies et mises en vers par La Fontaine. Et ce qui a trait à l'art s'esquisse de concert avec le vécu, notamment les rêveries de nos jeunes qui clament clémence sous d'autres cieux où vivre sa vie dans le vivre-ensemble ne sont pas de vains mots. Mais pour évaluer l'art de Tahar Bellal, le mieux est d'aller à la galerie d'art Assela-Hocine où le beau a rendez-vous avec vous jusqu'au 11 octobre prochain.