La rédaction de la Constitution de l'Irak post-Saddam est un vrai casse-tête. Les diverses parties irakiennes sollicitées sont fondamentalement divisées sur l'avenir de leur pays et il n'est pas question pour les Etats-Unis de lâcher trop de lest. Le débat sur la Constitution en Irak tourne en rond. Les rédacteurs, sollicités par le gouvernement de transition, n'ont cessé de faire face à des obstacles malgré les pressions des Etats-Unis. Le dernier écueil a été soulevé par l'appel d'un chef chiite à une région autonome dans le Centre et le Sud, à trois jours de la remise du texte au Parlement. En réalité, la rédaction de la loi fondamentale, qui doit tracer le contour de l'Irak post-Saddam, pose, en soi, toute la problématique de la présence américaine et des forces que cette dernière a libérées. Schématiquement, trois forces sont en jeu. D'un côté, les chiites, qui se retrouvent en pole position en vertu de la loi démographique, et dont la majorité rêve d'établir une république islamique, identique à celle de leurs voisins iraniens. De l'autre, les Kurdes qui, refusant d'être mangés à la sauce islamiste, menacent de proclamer leur indépendance, d'autant qu'ils sont autonomes depuis la fin de la première guerre contre Saddam, menée par le père Bush. Entre les deux, les sunnites minoritaires, qui ont tout perdu avec la chute de Saddam, que soutiennent des pays environnants que menacerait un Irak entièrement chiite. Pas moins de 18 points de litiges ont été soumis aux leaders politiques irakiens pour trouver une voie de sortie acceptable devant déboucher sur la présentation d'un texte définitif à la date prévue. Une nouvelle réunion de haut niveau est prévue aujourd'hui pour respecter le timing de la Constitution provisoire, qui stipule que le projet de Constitution permanente soit remis au Parlement le 15 août au maximum, pour être adopté avant un référendum à la mi-octobre, et des élections en décembre. Des réunions-marathon se déroulent à Bagdad pour effacer les appréhensions suscitées par les déclarations du puissant chef chiite, le député Abdel Aziz Hakim, en faveur d'une région autonome à majorité chiite. Les sunnites, dont deux rédacteurs avaient été assassinés par les terroristes, n'ont pas manqué de faire part de leurs craintes et même parmi les Kurdes, qui défendent le fédéralisme, le discours de Hakim est vertement critiqué. “Il est vrai que nous sommes d'accord avec les chiites sur le principe du fédéralisme, mais les propos de Hakim nous ont étonnés”, devait déclarer, à l'agence France Presse, le député kurde Mahmoud Osmane, qui affirme comprendre les craintes des sunnites. Le président américain George W. Bush s'est déclaré, cependant, optimiste sur la rédaction de la Constitution dans les délais, tout en reconnaissant qu'il y a des questions difficiles, comme le fédéralisme et le rôle de la religion. L'Administration américaine fait pression sur les dirigeants irakiens pour qu'ils respectent le calendrier de transition politique. À la veille de la date butoir, Bush devait réunir autour de lui la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le vice-président Dick Cheney, pour examiner la question et la politique étrangère de la Maison- Blanche d'une façon générale. La semaine dernière, de représentants de la société civile irakienne, des femmes et des membres de corporations, tels les avocats, médecins, ingénieurs, cadres, fonctionnaires, ont battu le pavé à Bagdad pour exiger une Constitution moderne, au risque de se faire sauter par les terroristes. Sur le plan sécuritaire, la situation est toujours chaotique, au gré des attentats terroristes qui fauchent surtout des Irakiens et principalement des chiites. D. Bouatta