L'ingérence étrangère en Libye a provoqué un dangereux fossé entre les parties libyennes et maintient un climat d'instabilité sécuritaire préjudiciable à l'ensemble de l'Afrique du Nord. Le controversé maréchal à la retraite Khalifa Haftar écarte toute participation à la Conférence de Berlin sur la Libye, estimant que les conditions ne sont toujours pas réunies pour la relance du processus politique, à l'arrêt depuis des mois. L'homme va-t-en-guerre justifie ce rejet par le fait que Tripoli est toujours sous le contrôle des milices pro-islamistes et d'autres groupes armés, soutenus par la Turquie et le Qatar. Selon lui, "toute action politique ne disposant pas de certaines conditions garantissant sa réussite ne peut aboutir, ce qui a été prouvé durant ces quatre dernières années", lit-on dans un communiqué rendu public en fin de semaine par les Forces armées arabes libyennes (ALN), qui mènent une opération de conquête de Tripoli depuis le 4 avril dernier, causant plus d'un millier de morts et des dizaines de milliers de déplacés dans et autour de la capitale. Evoquant constamment la lutte contre le terrorisme, Haftar réaffirme à travers ce communiqué sa volonté d'aller jusqu'au bout de sa logique militaire, balayant d'un seul trait toute perspective d'un règlement politique du conflit libyen. Autrement dit, la Conférence de Berlin risque de subir le même sort que les précédents sommets organisés à Paris (France) et à Palerme (Italie) à l'initiative de ces pays. Haftar a coupé aussi tout contact direct avec le président du Gouvernement d'union nationale (GNA), Fayez al-Sarraj, qui reste aujourd'hui la seule autorité légitime en Libye et reconnue par la communauté internationale. Même s'il n'a plus aucune légitimité depuis fin 2014, le gouvernement parallèle de l'Est libyen constitue une partie à part entière du dialogue politique en Libye. Ce dernier a promu Haftar au grade de maréchal, lui accordant une couverture politique, renforcée par le soutien du parlement exilé à Tobrouk qui rejette, lui aussi, toute reprise des négociations avec le GNA sans la "libération de Tripoli", a affirmé récemment son président Aguila Salah. Cela rajoute au blocage d'un processus politique censé aboutir à des élections générales avant la fin de l'année en cours, selon l'accord conclu en mai dernier à Paris, et qui avait constitué l'une des rares occasions de rencontre entre Haftar et Sarraj. Accusé de crimes de guerre, le général à la retraite a affirmé récemment dans un entretien au média russe Sputnik qu'il irait jusqu'au bout de son opération à Tripoli, s'attaquant violemment au GNA qu'il accuse d'être aux ordres de certaines puissances étrangères. Il a également soutenu qu'il mène une "guerre contre les groupes terroristes et les bandes criminelles à qui il a été permis pendant plusieurs années de recevoir une immense quantité d'armes et énormément d'argent des caisses de l'Etat et des pays qui soutiennent le terrorisme, ainsi que d'utiliser des milliers de mercenaires". Pourtant, il est de notoriété publique en Libye et au niveau diplomatique que le controversé général s'est appuyé sur les milices islamistes salafistes d'obédience madkhalie (en référence au prédicateur saoudien Rabie al-Madkhali) pour reprendre de larges territoires dans l'Est libyen. Ces milices sont financées par l'argent saoudien, via des circuits liés aux organisations libyennes activant officiellement dans le domaine social et humanitaire.