Pour les avocats de la défense, le renvoi des dossiers des détenus d'opinion devant le tribunal correctionnel est de bon augure. Aussi sont-ils optimistes quant à l'issue de leur procès. Le procès de six détenus d'opinion s'ouvre aujourd'hui au tribunal de Sidi M'hamed d'Alger à 9h. Il s'agit des détenus Bilal Bacha, Khaled Oudihat, Hamza Meharzi, Tahar Safi, Messaoud Leftissi et Djaber Aïbèche, arrêtés lors des marches du mouvement populaire, les 21 et 28 juin et le 5 juillet écoulés. Ils sont accusés d'"atteinte à l'unité nationale" pour avoir brandi le drapeau amazigh lors des manifestations. Cette programmation décidée par le procureur de la République de cette juridiction vient après l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d'instruction. Me Fetta Sadat, avocate et députée, explique qu'une fois l'instruction achevée, le juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu s'il estime que les accusations ne sont pas fondées, ou une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, dans le cas de ces détenus, pour la suite de l'affaire. La programmation de ce procès, en attendant d'autres pour les jours à venir, "est un bon signe", estiment des avocats contactés à ce propos. Me Seddik Mouhous, membre du collectif d'avocats de défense des détenus, s'est dit "très optimiste" quant à l'issue des procès programmés. Il faut noter que le juge a renouvelé les mises sous mandat de dépôt de tous les détenus d'opinion le 8 octobre dernier. Sa décision de rendre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, en contradiction avec sa première décision, augure-t-elle d'un dénouement de l'affaire des détenus d'opinion, notamment les porteurs du drapeau amazigh ? Selon des avocats et des militants politiques, tout porte à croire que la justice qui s'est rétractée sur sa décision de maintenir les détenus en prison avant de programmer leur procès est un signe "positif". "J'espère que la justice saisira cette opportunité pour mettre fin au calvaire de ces jeunes qui n'ont absolument rien fait", a estimé un parent de détenu. Notre interlocuteur a saisi l'occasion pour appeler les citoyennes et les citoyens à se mobiliser davantage pour la libération des détenus. "Nous allons nous rendre massivement demain (aujourd'hui, ndlr) au tribunal pour apporter notre soutien aux détenus qui seront jugés", a-t-il dit. Pour rappel, les services de sécurité avaient opéré des arrestations parmi les manifestants, notamment à Alger, depuis que le chef d'état-major de l'ANP, vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, a dénoncé, dans un discours, la présence d'un emblème autre que national dans les marches du mouvement populaire. Dès lors, les arrestations se sont accentuées contre les porteurs du drapeau amazigh. Rares sont les tribunaux qui ont condamné des manifestants pour avoir brandi cet emblème. Après le tribunal de Constantine qui a condamné le jeune Amazigh Semmani à une peine d'un an de prison ferme, puis celui de BBA qui a condamné le médecin Khaled Chouiter à 18 mois de prison, dont 6 fermes, aucun autre tribunal n'a prononcé des condamnations contre les porteurs du drapeau amazigh. À Jijel, à Annaba et à Tamanrasset, les procureurs ont estimé qu'aucune loi ne prévoit la détention d'un citoyen qui manifeste avec un emblème. À Alger, ils sont plusieurs dizaines de manifestants à croupir au pénitencier d'El-Harrach pour ces mêmes faits, à savoir manifestation avec un drapeau amazigh. Ils sont accusés d'avoir porté "atteinte à l'unité nationale".