Pas moins de 250 personnes ont été tuées depuis le début d'une contestation populaire sans précédent. Les Irakiens réclament depuis le 1er octobre des changements profonds. Le sort du Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi était hier entre les mains de ses partenaires au Parlement qui négocient sa démission, alors que la rue réclame toujours la "chute du régime", après 250 morts dans des manifestations et violences. Rassemblés à la place Tahrir à Bagdad et dans différentes villes du sud du pays, les manifestants ont bravé le couvre-feu ces deux dernières nuits et surveillent les manœuvres politiques, prévenant déjà qu'ils n'accepteront rien de moins que le départ de tous les responsables. Dans la nuit de mardi, le chef des paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi au Parlement, Hadi al-Ameri, qui avait jusque-là soutenu M. Abdel Mahdi, a dit accepter de "travailler avec" l'influent leader chiite Moqtada Sadr, qui réclame depuis début octobre la démission d'un gouvernement qu'il avait aidé à former il y a un an. Hier, Moqtada Sadr a pressé M. Ameri de passer à l'action, sous peine de "transformer l'Irak en Syrie ou en Yémen", deux pays où des révoltes contre le pouvoir ont tourné à la guerre civile. Le sort d'Adel Abdel Mahdi (78 ans), un indépendant sans base partisane ni popularité, est maintenant entre les mains du Parlement, qui l'a appelé mardi à se présenter "immédiatement" devant l'Assemblée pour ce qui pourrait être une séance de questions et un vote de défiance selon plusieurs députés. M. Abdel Mahdi n'a jusqu'ici pas réagi à cet appel. Depuis le début du mouvement, le 1er octobre, les manifestants n'ont cessé de répéter qu'ils refusaient toute récupération politique. Pour eux, la chute du gouvernement ne suffit pas. Il faut renouveler la totalité de la classe politique arrivée au pouvoir à la chute de l'ex-président Saddam Hussein en 2003 et inchangée depuis. Ils veulent, disent-ils, en finir avec le compliqué système de répartition des postes par confession ou par ethnie, rongé par le clientélisme et qui tient toujours à l'écart les jeunes, pourtant majoritaires dans la population. Pour eux, il faut une nouvelle Constitution et surtout que les "gros poissons" de la corruption rendent l'équivalent de deux fois le PIB de l'Irak, deuxième producteur de l'Opep, une somme évaporée depuis 2003 dans un pays présenté comme l'un des plus corrompus au monde. À la place Tahrir, épicentre de la contestation, les manifestants n'ont jamais été aussi nombreux. Ils plaident pour continuer ce premier mouvement social spontané post-Saddam, affichant leur détermination malgré les violences. La première semaine de contestation, du 1er au 6 octobre, s'est soldée par la mort, officiellement, de 157 personnes, surtout des manifestants abattus par des tireurs que l'Etat n'a toujours pas identifiés ou arrêtés. La deuxième, lancée jeudi dernier, a semblé moins sanglante et plus festive, avec des manifestations monstres dans la liesse et des piquets de grève qui ont paralysé universités, écoles et administrations. Des violences nocturnes ont toutefois eu lieu contre des QG de partis et de milices.