La capitale irakienne a connu hier et pour le cinquième jour consécutif de nouvelles manifestations et des tirs à balles réelles dans le centre de Bagdad, selon des sources locales. Au moins cent personnes ont été tuées et entre 3 000 et 4 000 autres blessées, lors des violentes manifestations antigouvernementales que connaît l'Irak depuis mardi dernier, selon des sources médicales et une organisation locale de défense des droits de l'homme. Né d'appels sur les réseaux sociaux, le mouvement de contestation proteste contre la corruption, le chômage et la déliquescence des services publics dans un pays sorti il y a moins de deux ans de près de quatre décennies de conflits et en pénurie chronique d'électricité et d'eau potable. Plusieurs victimes ont été tuées par des snipers postés sur les terrasses de certains immeubles, notamment à Bagdad, où les manifestants avaient été violemment empêchés par les forces de sécurité d'occuper la place Tahrir. Le Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi a accusé, pour rappel, des parties inconnues d'être derrière les tirs à balles réelles contre les manifestants. Après des affrontements violents entre manifestants et forces de sécurité vendredi à Bagdad et des tirs très nourris toute la journée, des habitants s'attendent à de nouvelles manifestations, dans les prochains jours, alors que l'internet est toujours coupé. Les autorités ont réclamé du temps aux manifestants pour mettre en place des réformes afin d'améliorer les conditions de vie des 40 millions d'habitants du pays ravagé par les guerres, le chômage et la corruption. Mais Moqtada Sadr, dont la coalition participe au gouvernement, a repris vendredi à son compte la principale revendication des manifestants et appelé le gouvernement d'Adel Abdel Mahdi à démissionner "pour empêcher davantage d'effusion de sang". Il aussi "appelé à des élections anticipées sous supervision de l'ONU". Ce coup de théâtre du leader chiite Moqtada Sadr pourrait changer la donne: soit il galvanisera les manifestants qui réclament la chute du pouvoir mais s'opposent à la récupération politique de leur mouvement, soit il poussera des débats au Parlement sur une chute du gouvernement. La session du Parlement prévue initialement à 13h00 locales (10h00 GMT) a été retardée faute de quorum pour le moment, après la décision des 54 députés de la coalition de Moqtada Sadr, premier bloc à l'assemblée, de la boycotter. Dans le centre de Bagdad, cité tentaculaire de neuf millions d'habitants, les rues menant à la place Tahrir d'où est partie la contestation étaient toutefois toujours bouclées par un important déploiement des forces de l'ordre et de véhicules blindés. L'Irak vit dans l'instabilité depuis 16 ans, après l'invasion américaine en 2013, suivie de la naissance du groupe terroriste autoproclamé Etat islamique (Daech) qui avait occupé une grande partie du nord du pays entre 2014 et 2018.