Le match amical de football France-Côte d'Ivoire, mercredi prochain à Montpellier (sud de la France), passionne les Ivoiriens, plus que jamais mobilisés derrière leur sélection nationale, dont ils attendent une performance lors d'une rencontre perçue comme un possible facteur de rapprochement entre les deux pays. Déchirée depuis trois années par une crise socio-politique, la Côte d'Ivoire semble, comme par enchantement, retrouver son unité autour d'un soutien inconditionnel aux “Eléphants” — le surnom donné à la sélection nationale —, donnés comme favoris face à la France par ses supporteurs. Dans les chaumières, les bureaux, ou les maquis (lieux de restauration en plein air ou dans des cours), chacun y va de son commentaire. “La Côte d'Ivoire peut battre la France, ce n'est pas la mer à boire ! Le Sénégal l'a démontré pendant la Coupe du monde 2002 (succès 1-0, ndlr). Si nos garçons sont bien motivés, il n'y a pas de raison qu'ils ne remportent pas la victoire”, assure Konan, qui a déjà réservé sa soirée pour pouvoir regarder la rencontre, diffusée en direct par la télévision ivoirienne. “Zidane seul ne suffira pas. Ils devraient aller ressusciter Platini et tous les autres de la grande époque, qui sont partis à la retraite, pour renforcer cette équipe, sinon elle ne tiendra pas”, assure un autre supporteur, en référence au retour chez les Bleus de Zinédine Zidane et Lilian Thuram, champions du monde 1998 et d'Europe 2000. “Les Français ont peur, c'est pourquoi, ils sont allés chercher Zidane, mais même avec lui, ils seront battus, par 3 à 0”, soutient Alice, tenancière d'un bistrot de Yopougon, quartier populaire d'Abidjan. “Paris redoute les Eléphants”, titrait même en une le quotidien L'Intelligent d'Abidjan, à l'annonce du retour de Zizou. Chez les supporteurs, au sein de la société civile ou du monde politique, personne ne doute de la victoire des Eléphants, qui joueront début septembre un match décisif contre le Cameroun en qualifications au Mondial-2006. “La Côte d'Ivoire regorge aussi de footballeurs talentueux. Nos garçons sont dans un état d'esprit tel qu'ils sont prêts à affronter n'importe quel adversaire”, prévient Miaka Ouretto, le secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI, parti au pouvoir du président Laurent Gbagbo). “Je souhaite que les Ivoiriens corrigent les Français, avec un minimum de deux buts”, renchérit le porte-parole du Rassemblement des Républicains (RDR, opposition), Cissé Ibrahim Bacongo, ajoutant : “Dindane et Drogba vont à coup sûr marquer.” Pour le commandant René Sacko, des Forces armées nationales (FANCI, loyalistes), les “revenants (Zidane, Thuram, Makelele) de l'équipe de France sont vieillissants”, et battre la France, “qui a gagné une Coupe du monde, serait une référence”. “Une équipe nationale appartient à la nation entière”, fait de son côté remarquer le commandant Morou Ouattara, de la rébellion des Forces nouvelles (FN). “Et il ne faut pas mêler les footballeurs à la politique”, estime-t-il, ceci à un moment où les relations entre la Côte d'Ivoire et la France sont très difficiles. Dans un contexte parfois violemment anti-français, et même si l'enjeu du match reste surtout sportif, cette rencontre pourrait néanmoins “contribuer à normaliser les relations tendues avec la France, avance M. Bacongo. Cela voudrait dire que les sportifs ont réussi là où les politiques ont échoué”. L'armée comme la rébellion voient ce match comme un facteur de “rapprochement” entre Paris et Abidjan. “Même si, depuis ces deux dernières années, il y a des tensions, les relations entre la France et la Côte d'Ivoire n'ont jamais été rompues”, note M. Ouretto. “La preuve, rappelle l'homme politique, l'entraîneur de la sélection ivoirienne, l'ex-international Henri Michel, est Français”.