Comment feront les cinq candidats pour aller au-devant d'une population récalcitrante, voire hostile, à l'élection présidentielle et, donc, à leur candidature ? La mésaventure vécue par le candidat à la présidentielle du 12 décembre prochain le président du parti Talaie El-Houriat, Ali Benflis, dans la soirée du samedi 2 novembre 2019, n'a rien d'une surprise. C'était prévisible, même. Au lendemain du tsunami populaire qui a submergé, vendredi 1er novembre, un grand nombre de villes algériennes (d'aucuns ont avancé le chiffre de 29 millions sur tout le territoire national) et le jour même de l'annonce par l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie) des cinq candidats qui concourront à la prochaine joute électorale, Ali Benflis a cru bon de mettre à profit sa présence dans un lieu public, à sa sortie d'un restaurant à Baba Hassen (Alger), pour promouvoir sa candidature à la présidentielle du 12 décembre, fort contestée par un grand nombre d'Algériens. Mal lui en a pris, car il sera hué par les riverains aux cris de "Klitou lebled ya serraqine" (Vous avez pillé le pays, bande de voleurs), "Dégage !", "M'chi" (Va-t-en) ou encore "Ya lkhayen" (Traître). Face à tant d'hostilités, l'ancien chef de gouvernement sous Bouteflika n'a pas trouvé mieux que de s'engouffrer dans son véhicule et de quitter précipitamment les lieux. Le soir même, la vidéo de cet incident a été largement partagée sur la Toile par des internautes qui ont accablé le président de Talaie El-Houriat de commentaires critiques, railleurs et acerbes. "Un tribunal populaire informel l'a condamné à ne pas sortir dans un espace public et l'a assigné à résidence. Il a été privé de liberté de circuler pour avoir trahi les Algériens en acceptant de participer à une opération électorale destinée à faire avorter leur révolution", a commenté le politologue Lahouari Addi, dans un post publié sur sa page facebook. Il faut dire qu'Ali Benflis n'est pas le premier à subir les foudres de la colère populaire, puisque nombre de ministres désignés au lendemain du 22 février dernier ont été souvent apostrophés quand ils n'étaient pas pourchassés par des citoyens des wilayas où ils s'étaient déplacés. Mais au-delà du jugement que l'on peut porter sur un accueil aussi froid et hostile réservé par un groupe de citoyens à un homme politique, force est de constater que les menaces proférées par les autorités contre toute personne qui "attenterait" au bon déroulement de la prochaine présidentielle n'ont pas eu d'effet sur des Algériens qui, à voir la grande mobilisation populaire du vendredi 1er novembre, semblent plus que jamais déterminés à faire entendre leur voix. Et la question qui se pose dans toute son acuité est de savoir comment les cinq candidats pour la prochaine présidentielle vont mener leur campagne électorale. Face à une population récalcitrante, voire hostile, peuvent-ils objectivement organiser des meetings et des sorties sur le terrain, pour expliquer leurs programmes et convaincre les citoyens d'aller voter, eux qui, en temps normal déjà, ont souvent boudé les urnes ? Comment s'y prendraient-ils pour remplir les salles ? Des questions qui renseignent sur la difficulté de la tâche qui attend les candidats à la prochaine présidentielle. À moins que le gouvernement ne vienne à leur rescousse en réquisitionnant la force publique, comme c'était le cas hier avec les magistrats d'Oran, pour leur permettre de tenir des rencontres publiques. Sauf qu'une telle option n'est pas exempte de risques, puisqu'elle peut bien provoquer des tensions, voire des débordements. C'est dire combien sont grandes les incertitudes qui planent sur une présidentielle mal partie, mais que les autorités veulent tenir, vaille que vaille. Arab Chih