l 5000 milliards de dinars circulent hors secteur bancaire, soit l'équivalent de plus de 50% des encours des crédits accordés à l'ensemble de l'économie nationale. Les difficultés financières que traverse le pays après la chute des prix du pétrole obligent le gouvernement à chercher de nouvelles sources de financement. Avec les déficits qui ne cessent de se creuser, les pouvoirs publics tentent de faire un forcing pour récupérer l'argent de l'informel, en vain. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé. En 2015, le gouvernement a initié un programme de conformité fiscale volontaire, suivi d'autres leviers, dont le développement de la finance islamique et le lancement d'un emprunt obligataire souverain. La Banque d'Algérie a repris l'initiative à son compte en lançant courant 2018 une large offensive en direction des banques pour le développement de l'inclusion financière. Cependant, toutes ces mesures n'ont visiblement pas donné les résultats attendus. Pour preuve, le volume de l'argent hors circuit bancaire ne cesse d'augmenter. La semaine dernière, le gouverneur par intérim de la Banque d'Algérie, Amar Hiouani, a indiqué que 5000 milliards de dinars circulaient hors secteur bancaire, soit l'équivalent de plus de 50% de l'encours des crédits accordés à l'ensemble de l'économie nationale. L'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal avait évalué à 37 milliards de dollars les montants en circulation dans les sphères invisibles de l'économie, alors qu'en septembre 2017, l'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia levait le voile sur un montant de 17 milliards de dollars. L'année dernière, Mohamed Loukal, alors gouverneur de la Banque d'Algérie, avait parlé de 4800 milliards de dinars, dont les petites épargnes des ménages qui échappent également au système financier. Cette cacophonie au niveau officiel renseigne sur l'absence d'un système d'information fiable sans lequel aucune prévision ou politique économique cohérente n'est possible, les pertes pouvant se chiffrer en milliards de dollars. Contacté par Liberté, l'analyste financier Ferhat Aït Ali s'est interrogé sur le montant réel de cette masse monétaire qui circule dans les circuits informels et que le gouvernement veut capter. Pour lui, cette masse monétaire cachée dans l'informel est surévaluée, puisque, selon lui, la masse fiduciaire n'est que de 4700 milliards DA. Toujours est-il que Ferhat Aït Ali considère que cette bancarisation de l'argent informel comme elle est menée n'aura pas d'impact positif. En effet, il a souligné qu'avant tout, il faudrait savoir pourquoi les gens boudent les banques. Selon lui, on ne peut parler de bancarisation de l'argent de l'informel tant que les ressorts qui alimentent ces circuits ne sont pas cassés au sein même de l'appareil bureaucratique algérien et dans la structure de notre économie. Une bancarisation de l'informel dans les conditions actuelles ne garantit pas que par l'effet des mêmes mécanismes, ladite manne financière ne retournera pas à la case départ, soit vers l'informel. La démarche ne sera d'aucune utilité pour tarir les segments qui génèrent ces mêmes fonds, tant que les causes objectives qui ont donné naissance à ces mêmes segments ne sont pas éliminées. Quand on fait peser une lourde fiscalité sur la production contrairement à l'importation, on pousse beaucoup plus vers cette dernière, terrain propice pour l'informel, a-t-il expliqué. Selon l'analyste financier, il faut impérativement orienter l'investissement vers la production, moins encline à l'informel. Autre impératif, la monétique. L'e-paiement est un élément central dans la lutte contre l'informel. Mais là, le chantier est à peine entamé.