Les familles des disparus ont accueilli avec “déception” le discours du président de la République annonçant une charte sur la réconciliation nationale et la paix. “Nous sommes vraiment déçues et nos craintes se sont confirmées avec le discours du Président”, nous dira d'entrée Lila Ighil, la présidente de l'Association nationale des familles de disparus (ANFD). Pour notre interlocutrice “le ton avait été déjà donné par la commission Ksentini qui avait mis en avant les indemnisations des familles de disparus, et voilà que le Président vient le confirmer en disant qu'il faut transcender la douleur”. Pour elle, “c'est inconcevable, c'est un précédent très grave”, estime-t-elle arguant qu' “on ne peut pardonner sans savoir ce qui s'est réellement passé pour les disparus”. Plus précise, Lila Ighil veut en savoir plus sur “les circonstances des disparitions pour permettre aux familles de faire leur deuil”. C'est ce que revendiquera également Mme Yous, la présidente de l'association SOS disparus. “Le président de la République nous présente ses condoléances à travers son discours, alors qu'on croyait qu'il allait nous annoncer quelque chose, nous nous attendons à connaître la vérité sur les disparus et les circonstances de leur disparition”, indiquera-t-elle. “C'est bien, dit-elle, qu'il reconnaisse la responsabilité de l'Etat, mais il aurait fallu identifier les responsables”, fait-elle observer. À ce sujet Lila Ighil relèvera que les “auteurs des disparitions sont connus des familles qui les ont identifiés”. “À chaque fois, dit-elle, qu'il y a un rapport ou une quelconque occasion, les familles des disparus identifient et citent les noms des agents de l'Etat responsables de disparitions”. Mme Yous expliquera qu'il “est anormal que le Président couvre les auteurs de crimes par l'amnistie et la réconciliation nationale”. “Nous voulons la vérité, toute la vérité sur nos disparus et sur leurs lieux de détention”, dit-elle avant d'ajouter que “le Président doit être honnête dans son discours”, explique-t-elle, “pour permettre aux familles d'être sereines”. L'annonce des indemnisations pour les familles de disparus ainsi que pour leurs ayants droit mécontentent également, et au plus haut point SOS disparus et l'Association nationale des familles de disparus. “Nous lui avons dit à mille reprises que nous ne voulions pas de ces indemnités”, dira Mme Yous. C'est ce qu'en pense également Lila Ighil qui rejette catégoriquement ces indemnisations. “Nous allons continuer le combat pour connaître la vérité sur les nôtres, aussi bien sur le plan national qu'international”, dira-t-elle malgré la déception. “L'exemple de l'Argentine qui vient d'abroger une loi décrétée depuis dix ans nous donne du courage”, souligne la présidente de l'ANFD. “Nous allons également réclamer la justice”, dira Lila Ighil arguant qu' “aucune loi ne peut extraire des gens coupables de crimes contre l'humanité de la justice”. NADIA MELLAL