Le peuple algérien est appelé à faire la part des choses. La page des «disparitions forcées» ne doit pas être tournée aussi aisément avec le référendum du 29 septembre prochain, estimaient les associations qui représentent les familles des disparus, en l'occurrence Somoud, Sos Disparus et l'Anfd, lors d'une conférence de presse tenue hier à Alger. Cette frange de la société, victime de la tragédie nationale, conditionne le «oui» à la réconciliation par un règlement «définitif et équitable» de la question des «disparitions forcées». Il ne s'agit pas de débattre du principe du retour à la normale, lequel est «l'aspiration profonde de tous les Algériens», mais des «moyens pour y parvenir», fera savoir Lila Ighila de l'Association nationale des familles des disparus (Anfd). «L'apaisement doit passer par l'énoncé de la vérité sur tous les aspects de la crise», a-t-elle développé. Elle voit dans le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale une contradiction, sur le fait qu'au moment où l'Etat s'est engagé à solutionner la question des disparus, ladite charte « est venue clore le dossier sans règlement». Une autre «antinomie», le rapport de Farouk Ksentini «recense plus de 6000 cas imputés aux agents de l'Etat», tandis que, a-t-elle renchéri, «la charte sur la réconciliation dément la culpabilité de l'Etat dans les cas de disparitions». Selon Lila Ighila, la restauration de la paix doit passer par le jugement de tous les individus à l'origine des disparitions. Quant à Ali Mrabet, président de l'association Somoud, il dira que «la charte est venue mettre un point à nos attentes de voir des mesures précises mises en oeuvre pour régler le problème des disparus». Il expliquera que les victimes de la tragédie nationale sont «exclues» par le projet de réconciliation qui, selon lui, ne doit pas se faire «sur le dos des victimes». L'orateur s'est ressaisi immédiatement pour annoncer ses «conditions». «Nous exigeons tout d'abord d'entendre la vérité, la reconnaissance des crimes et la justice», mettant en exergue son programme d'action pour les jours à venir et qui consiste en «l'internationalisation de la cause des familles des disparus». Lui emboîtant le pas, Nacera Dutour de l'association SOS disparus, considère dans la foulée que «seule l'internationalisation de la question pourrait faire valoir les droits des familles des disparus». Son plan d'action suggère d'ailleurs un manifeste qui sera adressé à toutes les instances internationales et à toutes les organisations des droits de l'Homme, fera-t-elle savoir. Et d'ajouter que «la page de la tragédie est trop lourde de sang, elle ne peut pas être tournée sans nous». Cette contestation clamée haut et fort par les représentants des familles des disparus annonce déjà un débat houleux sur le projet du président, même si le dernier mot reviendra, sans l'ombre d'un doute, au peuple algérien, appelé à faire la part des choses le 29 septembre prochain.